Biographie

Claude Domergue

WARNING ( employé ici pour : avertissement au lecteur)

Varningue, prononçait on a l’époque, à la fin des années 40, ou la culture anglo saxonne restait encore quelque chose de bien lointain.

WARNING, l’un des premiers mots que j’ai su lire, inscrit sur la plaque de la Jeep wyllis de mon père, donnée par les américains après leur débarquement en Afrique du nord.

Par ce mot, j’attire votre attention, lecteurs de ces lignes, écrites fin 2008, sur le caractère de ces…  » mémoires  » tout a fait personnelles, POURQUOI… pourquoi écrire… peut être parce que j’ai beaucoup lu, et que les histoires des autres m’ont aidées a construire ma vie ?..peut être l’envie de raconter à mes proches… ce parcours ? Peut être… plus spécialement… pour… mes enfants ? ( certainement d’ailleurs )…et pourtant, en toute conscience, je sais bien que « lire » n’intéresse plus grand monde, la vie de nos jours est trop riche en propositions de toutes sortes pour qu’un lecteur prenne le temps de trouver quelque intérêt a ma prose.

Finalement, fi de toute prétentions vaines, ne serait ce pas tout simplement… POUR MOI, dans une sorte d’égoïsme qui pourtant n’est pas ma nature, écrire… pour moi, comme pour essayer de rassembler toute la richesse de cette vie, de ces aventures, de ces gens extraordinaires rencontrés,

OUI, c’est cela, je vais écrire… pour moi, mais… comme je me connais emphatique, oui, oui, ce sera pour toi, lecteur inconnu… et… peut être, pour toi, mon fils, si tu trouves un jour le temps de parcourir ces lignes, pour toi, ma fille, si un jour tu as envie de découvrir quelque peu la vie de ton papa.

Comment écrire…? quel style choisir…? mes notes de français dans les (rares) écoles ou je suis passé devraient me faciliter la chose, le 19/20 des quelques 20 pages remplies facilement et rapidement a l’épreuve de philosophie du bac, ne simplifient pas, au contraire, trop tendance a l’analyse, le développement de chaque idée, chaque conviction… il me faudrait… des années pour disserter de tout ce que j’ai vu, vécu, ressenti.

Quel style choisir…? …

Littéraire, style « La Pléiade » ? j’aime bien, donc, facile, au risque de devenir ennuyeux, voire pédant… un style « aventure? »…vivant? un peu celui de Clostermann dans « le grand cirque ou Feux du ciel… lui avait de « vraies aventures », a raconter, des combats aériens, Spitfires, bataille d’Angleterre, Messerschmitt.. etc.. j’adore aussi…

Technico Spirituel (je parle bien sur de l ‘esprit », l’âme) ça me plairait bien… style un peu… SAINT EXUPERY ?… non, je l’admire trop, quelle prétention d’avoir même effleuré l’idée d’approcher sa perfection… c’est « un livre que l’on peut découvrir ou écrire entre chaque ligne »…un monde de réflexion… je crois que ceux qui le critiquent… n’ont simplement pas su lire le « entre les lignes »…

Style « bande dessinée », whoooshhh, !! wham..!!. comme dans «BUCK DANNY », berceau de mes connaissances en aéronautique..?..

Ou le style vivant, réaliste,direct, le style Jean Claude BROUILLET… dans cet ouvrage étonnant… « L’AVION DU BLANC »…oui … c’est cela… lecteur, j’ai trouvé, c’est… MON… style, sans prétentions, VRAI, … ça me convient, a moi qui préfère porter le blouson de cuir a l’uniforme galonné, bien que ce dernier soit une sorte de « reconnaissance » de capacités pour certains. Et une image rassurante pour les passagers.

Voilà, c’est décidé, je vais te parler comme a un ami proche, a l’ oreille attentive… comme on raconte une histoire a des copains, devant la cheminée, après un bon repas.

(texte « essai » a compléter, corriger… et… à suivre)

CAUTION (second avis « au lecteur ».)

C’est le second mot anglo saxon gravé sur l’une des plaques de cette fameuse jeep… plaque que j’ai eu sous les yeux pendant des heures et des heures, lors des traversées de déserts du sud Tunisien et Lybien…

Je voulais te dire, lecteur, que si… j’avais choisi mon style, je voulais par ce « CAUTION » te demander d’éviter tout jugement hâtif sur ce que tu liras… et toute envie, pourtant naturelle chez l’homme, de me classer dans un ou autre catégorie.

Tout ce que tu liras est vrai, même si parfois cela paraît étonnant de nos jours, le pragmatisme et le souci de vérité inculqué par mon père dans une éducation rigoureuse en est le meilleur garant.

N’oublie pas, lecteur, que a ces époques que tu n’as pas connues, la vie et la façon de vivre était parfois bien loin du « modus vivendi » consensuel de ce début de 21eme siècle.

Pour ne s’en tenir que au monde de la petite aviation, mon monde a moi, il paraîtrait complètement inconscient de passer sous un pont avec un avion, outre le risque, c’est surtout l’esprit d’incivilité qui rendrait cet acte purement démentiel.. que dire aussi de cette habitude qu’avait de nombreux pilotes de tourner tonneaux et looping avec sipa, norécrins, et autres avions de tourisme… jodels, robins, moranes rallyes etc. On trouve sur internet le film du tonneau barriqué fait avec un Boeing 707… les extraordinaires démos de Bob HOOVER, et dans mes amis des années 70, j’en connais qui tournaient des boucles avec la fameuse caravelle.. volaient en mono pilote sur lear jet ou même boeing 707 lors de convoyages, sans que cela choque outre mesure la communauté.

Tout cela n’était pas exploit a l’époque, tout cela sombre dans l’oubli, ou si on en parle, devient sujet a polémiques et critiques d’un état d’esprit.

De même, la notion de racisme n’existait pas, du moins sous sa forme actuelle, et l’on pouvait définir quelqu’un par le mot arabe, nègre, au même titre que l’on dit un homme qu’il est grand, petit, blond ou brun le qualificatif n’avait en général rien de péjoratif, un simple qualificatif lexicologique selon Cratyle, une « peinture verbale » ou un signifiant selon De Saussure. Aussi faudra en tenir compte lorsque j’utiliserai ces mots, ou d’autres, dans leur contexte de l’époque.

Politiques, religions, touts ces sujets qui déclenchent polémiques et discussions souvent stériles, cela aussi, il faudra les prendre non seulement dans leur contexte de l’époque, mais aussi sous des regards différents.

(a compléter ,corriger… et a suivre)

« JE »

… pas facile … quand on a eu une éducation stricte, ou la personnalité, l’égo, a été abordé avec la mesure donnée par mes parents… tant de gens pourtant loin de toute responsabilité s’octroient de façon prétentieuse et péremptoire ce « JE » qui semble les rassurer dans leur personnalité diaphane… tant de gens s’octroient un droit de propriété sur les choses, ou les hommes, « MON avion… MA femme, MON chien… MON entreprise… et la foule les écoutes… bouche ouverte…

Comment traverser ces fourches caudines … rester simple, vrai, mais aussi, exprimer cette vérité sans passer pour un fat.?

Pourtant, si je te raconte une histoire d’avions… ce sera bien.. moi, qui la raconte, moi, qui était au commandes, moi, qui ai connu la peur ou la gloire… alors, après ce… »caution », je dois.. utiliser ce « JE », n’y vois ni orgueil ni prétention, simplement… les faits. et… mes histoires, pour quelque surprenantes qu’elles soient, ne sont aussi que les histoires de mes amis pilotes, dans un contexte disparu, je n’en revendique donc ni exclusivité ni quelconque fierté ou honte, ce sont « nos » histoires, a nous, pilotes d’une époque

« TU »…oui, ça c’est déjà expliqué, on tutoie bien « notre père » de nos jours…

« Il », ..dans le langage de la plupart des personnes que j’ai rencontrées dans cette longue vie, ce « il » est un peu une échappatoire, ce n’est pas … moi, ni nous, ni vous, non, une sorte de « il » impersonnel, distant.

« NOUS », Alors, celui la, je suis prêt a l ’employer a souhait, tant NOUS avons fait de choses ensembles… VOUS et moi.

« VOUS »… oui, vous m’avez tant apportés, tous, mes amis, comme ceux qui ne l’étaient pas… comme je vous remercie… VOUS, tous, de cette avancée permise grâce a votre aide, a vos compliments, mais surtout souvent a vos critiques, et a vos oppositions, vos trahisons, vos mesquineries, merci a vous tous.

« ILS » , la, c’est encore plus… anonyme et flou, un rejet des responsabilité, « ils »…ce sont tout ceux qui n’ont pas adhères a nos idées, mais aussi.. comme pour ce « vous »…les mêmes, qui ont adhérés à nos causes.

Dans ce long voyage, un peu comme Diogène…. « je cherche un homme », un qui possède la lumière, l’ouverture, la compréhension, la tolérance, mais aussi la rigueur, la justice…

Rassure toi, lecteur, j’en ai rencontrés, beaucoup même, sans m’y attendre, sans les chercher, mais si peu visibles dans cette foule de personnages superficiels ou la bêtise se cache sous une apparente intelligence ou une culture sans âme.

(essai a compléter et enrichir)

Avant d’aller plus loin, il faut que je te parle, ami, de mes origines…

Mon père ?…ce héros…!!.. parodier Victor HUGO, non, mais ce paragraphe de « après la bataille » lui irait si bien, oui, mon père, un héros… par ses passions, ses convictions, sa rigueur.. son panache.

Je n’ai jamais de ma vie rencontré un éclectique de ce niveau, non, pas un éclectique « touche a tout en amateur… mais un éclectique dans le détail, qui fait tout ce qu’il entreprends avec une investigation scientifique profonde

Historien ayant survolé les civilisations, il est un admirateur de Napoléon, dont il connaît tout les faits d’armes,

Professeur d’histoire naturelle au Lycée de Mont Montbéliard, Buffon, Darwin, n’ont aucuns secrets pour lui.

Résistant, prisonnier de guerre, évadé, c’est aussi un Gaulliste de la première heure,

Géologue de métier, il a dressé les premières cartes géologiques de Franche Comté, mais aussi d’Afrique du nord, principalement de Tunisie, ou, si l’oasis de Tozeur existait déjà, il fit jaillir l’eau des sables du désert non seulement autour de Tozeur, mais en de nombreux points du sud Tunisien et Libyen.

Spéléologue averti, sur les traces de Fournier, il a dressé les plans détaillés de tout les gouffres et grottes de Franche Comté, sans les instruments modernes actuels.

Traçant a l’encre de chine des coupes d’une précision encore inégalée a ce jour.

Un « Savant », dans de nombreuses sciences;

Entomologiste, étudiant certains insectes de France et Afrique.

Herpétologue, aux travaux mondialement reconnus.

Ornithologue, il a découvert le lieu de nidification des flamands roses au sein du « Chott el Djerid en 1947.

Ne délaissait pas pour autant l’étude des mammifères, principalement les lémuriens de Madagascar, sur lesquels il a fait nombre de communiqués au Muséum d’histoire Naturelle de Paris, ou il a conservé pendant bien des années un laboratoire, avant d’obtenir son laboratoire a l’institut Pasteur de Tananarive.

Musicien violoniste, pianiste, suivant ainsi quelque peu les traces de son père (Directeur de l’orchestre de Besançon, mais aussi déjà un précurseur, possédant l’un des premiers bateaux a vapeur sur le Doubs, avec cet autre bisontin célèbre qu’est le Marquis de Jouffroy d’Abbans, il eut l’une des premières automobiles de Besançon, et produisait lui même gaz et électricité dans la petite maison de Canot .)

Militaire dans l’âme de la rigueur, de la discipline, du don de soi, ses valeurs sont du genre « le regard droit, tourné vers la ligne bleue des Vosges, la charge « sabre au clair », cavalier au 11éme régiment de cuirassiers, ses valeurs étaient la voltige a cheval, et les charges « sabre au clair.

Bien sur, l’époque étant à la cavalerie blindée, sa reconversion dans les blindés n’a eu donc rien d’étonnant menant parallèlement sa carrière d’hydrogéologue, sa passion de naturaliste scientifique, et un grade de commandant dans une « réserve très active ».

Ma mère, artiste, danseuse étoile reconvertie dans le professorat de danse, née elle même d’une famille ou arts et techniques se liaient intimement, adhérait bien sur a ces principes de rigueur et de vérité.

Mes parents se disaient « vous », et un peu a l’instar de chez les «De Gaulle, on ne s’étreignait point, toute effusion sentimentale était bannie, ainsi que toute expression pouvant exprimer peur, douleur, ou autre .

Je voudrai te raconter, lecteur quelques souvenirs de ce père aussi ,

(A SUIVRE)

Avant mes 10 ans.

Pas facile, de dire que… c’était déjà toute une vie d’adulte, j’ai entendu l’autre jour un personnage célébre dire que a 10 ans, il avait déjà tout compris de la vie… cela m’enhardis a te dire, lecteur, que oui, c’est possible, comprendre au moins les grands principes, les grandes articulations, de cette vie.

Prétentieux.. me diras tu.. avant d’en juger, prends le temps de lire.

Il est vrai que cela m’étonne moi même lorsque je vois les photos de ma jeunesse, au volant d’une Jeep dont la dureté des commandes me surprends encore aujourd’hui. Étonné aussi par ces autres photos qui témoignent bien des souvenirs que j’ai, et de leur réalité.

Ces souvenirs, je vais essayer de les rassembler, dans cette histoire que je commence ici.

PREMIERES IMAGES.

Bien incertaines… un bateau ? Celui qui m’emmenait à Tunis pour la première fois ? A l’age de un an et demi… je ne le crois pas… mais a 3 ans, oui, je pense, puisque ensuite, je me souviens très bien de ma première traversée de la méditerranée en avion, DC-3, puis beaucoup plus tard, DC-4, Constellation et Bréguet « deux ponts »…

Premières images très nettes aussi, celles, toujours a 4 ans, lorsque nous demeurions a Mareth, dans les fortifications restant de cette fameuse « ligne Maginot du sud tunisien, la « ligne Mareth »

Images d’épaves des Panzers abandonnés la par l’armée de Rommel en déroute.. premiers terrains de jeux, limités par les zones minutieusement déminées, je me revois escaladant ces carcasses, ramenant a la maison un réticule de visée trouvé dans le sable a coté d’un affût de flack de 20 mm..

Puis, curieusement, les souvenirs s’estompent… et reprennent lorsque nous avons habités au « Domaine de Lesseps », superbe demeure coloniale abandonnée, une dizaines de pièces style « riahd » arabe, cour intérieure avec fontaine et bassin.

Ce «Domaine était situé en pleine nature, isolée, la première ferme étant a une dizaine de kilométres, et Gabés, ville la plus proche, a plus de 25 kilometres.

C’est sur les 400 bornes kilométriques séparant Tunis de Gabés que ma mére m’apprendra les chiffres, et sur des ouvrages scientifiques, ou quelque fois le journal « France soir », que j’apprendrai a lire.

Je me souviens des premières expéditions, en side car, un Harley Davidson, don de l’armée de libération, et un BMW, récupéré a l’ennemi… outre les liaisons Tunis Gabés, les grands raids géologiques dans le désert, mon père conduisant l’attelage, ma mère me serrant soit dans ses bras, soit m’abritant au fond du side, bien emmitouflé dans un burnous les jours de vent de sable, jusque aux confins du Sahara.

Par la suite, Papa fut doté d’une Jeep, elle aussi issue du débarquement en Afrique du nord des troupes américaines, quel luxe, et quelles possibilités accrues, c’est avec cette Jeep que très tôt, coincé entre mon père et le volant,(l’espace est faible,) j’appris a maîtriser la conduite, plongeant sous le tableau de bord pour effectuer la technique du double débrayage, tant la pédale était dure pour ma faible constitution.

 

Trop long de te raconter, lecteur, le détail de ces expéditions familiales a des miles et des miles de toute civilisation, avec les réserves d’eau, d’essence, et de nourriture, les pelles de dés ensablement, le fech fech, la hamada et ses silex ennemi des pneus, la « tôle ondulée », les ensablements fréquents… le vent de sable, le sirocco, la navigation a la boussole, mon père corrigeant les cartes de l’époque, découvrant, étudiant la géologie dans sa recherche de nappes souterraine d’eau potable, mais aussi, alliant a cette quête professionnelle, sa passion, l’étude de la faune du sud Tunisien, Renards, fennecs, oiseaux, principalement le flamand rose, et bien sur, les serpents, couleuvres, vipères, cobras etc…

 

Je te raconterai pourtant quelques anecdotes, sur ces voyages trans sahariens… pannes, rencontres insolites, souvenirs si lointains et si réels.

 

(A SUIVRE)

 

Souvenir d’enfance en Tunisie

 

Gabés, Tunisie, j’avais quoi, 10, 12 ans ?…poursuivant avec assiduité mes lectures de « Buck Danny », j’avais créé à la sortie de la petite ville, non loin de la « base aérienne » un petit aérodrome dont la piste faisait un mètre de long, de petits hangars en cailloux, ou j’abritai mes « F-86 » en cartons, que je fabriquais à la chaîne …

 

A quelques dizaines de mètres, il y avait la vraie piste de l’aérodrome de gabes, en « P.S.P….. tôles à sable comme nous disions à l’époque, et je vibrais à chaque décollage des P-47 Thunderbolts » arrachant lourdement du sol dans un rugissement de tonnerre, soulevant derrière eux un long panache de sable, ils décollaient par deux, survolaient souvent la ville, la plage, le mess des officiers dans une formation impeccable…J’interrompais les missions de mes avions de carton pour admirer ces hommes dieux avant leur décollage, assis dans leur cockpit, les demi-dieux qui avaient le privilège de s’agiter autour des avions, les éternuements du gros moteur en étoile, la fumée, le vrombissement puissant qui prenait au ventre…quelle magie…

 

Il y avait parfois aussi en escale un Ju 52 Junker venant de Tunis, ou quelque DC-3 brillants de tout leur aluminium au soleil du sud.

 

Une fois… le passage de deux F-4 Corsair de la marine… je n’osais, dans ma timidité de garçonnet, m’approcher… le terrain n’était même pas clôturé, mais… même si je fréquentais régulièrement avec mes parents la caserne et le mess des officiers, c’était un régiment de cavalerie… et si j’avais le privilège dont je n’avais même pas conscience d’avoir accès permanent aux blindés, l’aviation était une arme… bien distante pour ces rampants de cavaliers… L’un des pilotes de F-4 avisant ma silhouette intéressée approcha de moi… mon cœur battait, j’allais surement me faire tancer vertement d’oser regarder ces machines rares… mais je ne bougea pas, nous échangeâmes quelques mots, puis, étonné de voir qu’un si jeune garçon pouvait lui donner bien des caractéristiques techniques sur son avion, il me donna avant de repartir à ses obligations son insigne à titre de félicitations… y était représenté la mer, le ciel, une tortue sur laquelle se tenait un aigle, symbole de l’aéronavale, l’avion sur le porte avion… quel présent ne m’avait il fait-la… j’étais si fier de détenir cet insigne, que je ne savais qu’en faire, je ne pouvais le porter, je ne pouvais partager avec personne cette valeur ésotérique… ce n’était non plus un jouet… je détenais une valeur symbolique… il me fallait l’appréhender… et je ne trouvais comment.

 

Noel 1954 Domaine de Lesseps, Tunisie

 

10 ans, j’ai eu ces 10ans, deux chiffres, enfin, après tant d’attente, je ne croyais jamais survivre jusqu’à ces deux chiffres, je suis  » un grand  » maintenant, je viens de basculer dans ma première décennie, avec satisfaction, d’un coté, et de l’autre, cette sensation terrible de passer dans un autre monde, le père Noël, déjà, qui ne vient plus au de la de cet age, décembre arrive, ce sera la dernière soirée magique.

 

Nous habitons toujours le  » domaine de Lesseps « , loin de tout, isolé, dans ce pays ou les remous d’indépendance se précisent chaque jour, les habitants de la ferme la plus proche ont étés massacrés récemment, leur bébé jeté contre le mur jusqu’à ce que mort s’en suive, le papa retrouvé émasculé, ses attributs enfoncés dans la bouche, quand a la maman…éventée, quels supplices avait elle du subir avant de finir ainsi…

 

Et moi, j’attends Noël… à quelques kilomètres de la, maman et moi sommes seuls à la villa, mon père est en mission quelque part dans les déserts plus au sud, maman est sourde, aussi, ce soir de Décembre, j’entends bien avant elle les véhicules qui arrivent par la piste qui mène à notre habitation, à 10 ans, je suis le  » chef de famille  » en l’absence de papa, nous dormons maman et moi de chaque coté de la porte, avec chacun un fusil de guerre au pied du lit, très vite, je vais la réveiller et la mettre en alerte, et reviens sur mon coté, préparer mon arme, elle et moi sommes prêts… canons braqués sur la porte d’entrée, les véhicules sont arrêtés, des pas s’approchent, mais une voix bien française et rassurante nous annoncent :

 

Lieutenant De Malagnac, en patrouille de surveillance, ouvrez nous…!

 

Instantanément, sans paranoïa aucune, par simple réalisme, j’imagine le lieutenant poussé par quelques fellaghas obligé de prononcer ces paroles.

 

 » Non, mon lieutenant, j’ai ordre de mon père de n’ouvrir a personne « …!

 

Maman me lance des regards interrogatifs, que je devine dans la faible lumière de la lampe US, son fusil toujours braqué sur la porte, prête à faire feu, et je lui fait signe de la main…attends, attends…!

 

Le lieutenant réitère sa demande, me prodigue quelques paroles rassurantes…

 

 » Non, mon Lieutenant, avec mes respects, je vous demande de vous éloigner, ou nous allons faire feu au travers de la porte, il m’est impossible de conserver un doute sur la situation. »

 

De Malagnac me félicite, et repars avec sa patrouille, maman qui n’a toujours rien entendu, est toujours sur la défensive, les voitures, des jeeps, probablement, s’éloignent…

 

Le lendemain, ce dernier Noël, quelques dernirs présents, au pied du Tamaris qui fait office de sapin, dans un demi sommeil, je suis sur d’avoir entendu quelques bruits, mais la, pas d’inquiétude, c’était a coup sur le père Noél.

 

Cet épisode d’intransigeance me vaudra par la suite un respect profond de la part du Colonel commandant la place de Gabés, ainsi que de ses officiers.

 

Pilotage

 

Comment j’ai appris a piloter ? je ne sais pas, je ne sais plus, je pense d’ailleurs que j’ai réellement appris très tard, a l’instar de monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, je pense que je savais déjà piloter de façon intuitive et naturelle.

 

Les avions m’ont fascinés depuis mes premiers souvenirs, jusque a l’age des premiers découpages d’avions en cartons, puis les maquettes volantes en balsa, centrage, vrillage d’ailes, de gouvernes, j’avais déjà tout compris bien avant 10 ans, vents, ascendances thermiques, du planeur balsa au modèle caoutchouc, puis le réacteur  » jetex « , cette pratique associée a la théorie par la lecture assidue de Buck Danny, puis les  » grands classiques  » Saint Exupéry et autres Clostermann, je savais, je sentais, ce qui était possible ou impossible en avion.

 

L’école m’ennuyait fortement, il n’y avait pas grand chose a y apprendre de plus que ce que mes parents m’avaient appris, la vraie vie d’abord, puis les sciences de la vie,.

 

Moi je découpais, collais, dessinait des plans d’avions, voir la terre d’en haut, non pour dominer, mais pour comprendre, pour embrasser d’un regard la terre et les hommes qui la façonnent, tel était mon seul but.

 

Un jour, je volerai de ma propre volonté, bien sur, cela, je me gardais bien de le dire a ceux que l’on appelle « adultes », pour éviter leurs regards sous entendus.

 

Quelques années plus tard, définitivement de retour de Tunisie, je rodais avec mon vélo du coté de l’aérodrome de Thise, quand Freddy Combes, Daniel Legras, que je connaissait déjà, de vue, m’ont invités a m’asseoir dans un planeur « émouchet, inspiré du  » grunau baby de 1934,quel événement.!

 

Avant de me lancer dans le vol a voile, j’ai commencé le vol moteur, mon premier instructeur était du genre instructeur de cavalerie, fort en gueule, pour moi, fils de cavalier, cela aurait du me seoir, mais en réalité, j’étais tétanisé par ses méthodes…incapable de quoi que ce soit… mon second instructeur, lui, s’endormait après quelques minutes de vol, il faut dire que je venais soit a vélo, soit a mobylette, voler entre midi et deux, a la place du repas avant de retourner a l’école, c’était l’heure de sa somnolence, après quelques verres de vin rouge…j’en profitais pour tester l’effet des gouvernes, guettant du coin de l’œil ses réactions,

 

Un matin de paques…pas de somnolence de l’instructeur, au contraire, il est vigilant, me reprends sans arrêts, moi qui croyait maîtriser le jodel D 112… le voilà qui brise toutes mes illusions,  » tu n’es bon a rien, la bille… la vitesse… la pente… la cadence… tu dérapes, tu glisses… la bille… la bille…  » il me harcèle, me pousse a bout, je ne le reconnais plus… j’ai bien vu aussi qu’il avait mis le chauffage a fond, déréglés les instruments, m’interdisant de toucher a ces aides, panne au décollage, panne en vent arrière, atterrissage hélice calée… le Jodel vient de se poser dans l’herbe de Thise … je suis… mortifié…  » tu n’arriveras jamais a rien, tu n’écoutes pas… je ne sert a rien, alors va te tuer tout seul…  »

 

Il a a peine terminé sa phrase qu’il joint le geste a la parole, détache sa ceinture de sécurité et ouvre la verrière…

 

 » Bon, trêve de plaisanteries, je voulais voir tes réactions en situation de stress… ne crois pas que je dormais dans nos vols précédents, je t’observais…tu as un sens inné de l’air,… le voilà très calme… qui me donnes les derniers conseils,  » l’avion va monter plus vite, il va être plus léger… fait ton tour de piste comme tu le fais d’habitude, ne change rien, fait a ton instinct… salut…  » et il descends de l’avion…

 

Me voilà seul… la place droite me semble un désert, mais je suis si heureux d’être  » lâche solo « …que rien d’autre ne m’importe… je remonte la piste, m’aligne avec soin, face a la ville de Besançon, je prends le fameux sapin qui sert de repère d’axe… je suis heureux a n’en plus pouvoir… je lève progressivement la manette de gaz du petit « 112 « … déchaînant les….65 chevaux du moteur Rolls Royce continental… un coup d’œil rapide a mon maître… dont je devine la silhouette en bordure de piste… je l’imagines angoissé, inquiet …fier peut être ?… non… il me tourne le dos satisfaisant a un besoin naturel…!!

 

Qu’importe… mon avion est déjà haut dans le ciel… l’aile droite se plante dans un ciel qui n’a jamais été aussi bleu… le premier virage… bientôt la vent arrière, les  » 2 alpha « , la finale, l’arrondi… je ne suis même pas inquiet de ces épreuves futures… j’ai volé… seul… je voles, la, en ce moment… a cet instant… et c’est cela qui compte.

 

Plus tard…bien plus tard…après avoir pu payer mes heures de vols, en revendant mes tickets de resto U, pour manger les morceaux de pain ou les pommes abandonnées par les autres, avoir fait des petits travaux ici et la, me voici garde barrière a la SNCF, le jour, sur la ligne Morteau Le Locle, et aussi  » pion « , surveillant d’internat et externat, pas facile de cumuler les deux fonctions, Mais si l’une, isolé dans ma guérite de garde barrière me fit avancer énormément dans l’étude philosophique… me permettant de décrocher un 19 sur 20 a l’épreuve philo du bac…l’autre fonction elle l’a beaucoup aidé dans le pilotage aux instruments… en effet, j’étais en même temps en formation IFR à Transair Lyon, et les exercices au simulateur de vol de cette époque, comme en vol réel d’ailleurs, étaient des éloignements d’un  » radiophare « , virage de procédure, retour en temps minutés, perçées sur axes soit radio compas, soit radiogoniométrie, avec branche de lever de doutes, variations de QDM, QDR d’éloignements etc…le VOR et L’ILS était réservé aux grands aéroports, quand au GPS, bien sur… Spoutnik et Pamplemousse ne se doutaient même pas de leur avenir.

 

Ces  » perçées  » goniométriques demandaient un effort de matérialisation particulier, et mes instructeurs se demandaient comment, la aussi, apparemment d’instinct…je sentais ma position dans l’espace, ce dont personne ne se doutais, et encore moins les élèves du Lyçée Victor Hugo, quand ils voyaient marcher leur surveillant les yeux fermés dans la grande cour… c’est que… ce dernier naviguait entre les platanes séculaires… » aux instruments « , les platanes étaient soit obstacles, soit balises, les traits de peinture du terrain de basket, les pistes, les pas… des secondes d’éloignements, de retour, les TTI, TRI, et je passais ainsi des heures de surveillance de cour a ces exercices de positionnements.

 

Plus tard… Bien plus tard… dans  » la vraie vie « , l’une de mes chances, est bien sur d’avoir rencontré des gens extraordinaires, mais aussi d’avoir, par obligation, du voler avec des avions d’époque à la fiabilité… assez réduite, et dans des conditions météorologiques dignes de nos ancêtres pionniers de la postale… j’avais tant lu les exploits de ces pionniers, que la panne moteur me semblait naturelle, comme le givrage, comme le vent…

 

 » La pluie, le vent, la neige… parfois ça t’embêteras « …cette phrase tirée de Saint Exupery m’a accompagné dans les tempêtes, les moments de terreurs dans les orages… oui…  » ça t’embêteras « … comme ça les a… embêtés…!

 

J’avais lu que la petite fenêtre latérale du cockpit permettais de passer le bras et gratter le pare brise, enlever la glace, a l’atterrissage, quoi donc de plus normal d’en faire autant avec celle du Piper Aztèque… sur ces mêmes DC3… il fallait aussi parfois enrouler une corde autour de l’hélice et la tirer avec une Jeep pour démarrer l’énorme Pratt § wittney… pourquoi donc rester en panne de batterie sur un petit terrain d’Afrique… si d’autres l’ont fait, on peut le refaire… je savais aussi, pour avoir tant lu, que une ouverture de porte, la perte d’un capot, le feu moteur, la dépressurisation, tout cela, d’autres y avaient fait face avec succès, pour autant… que… le seigneur ait été de leur coté ce jour la… car c’est souvent le petit incident, le détail, et non la grande aventure, qui est fatale au pilote.

 

Procédures, entraînement, compétence sans cesses remises en question, confiance en soi modérée, mesurée est le terme plus adapté, mais connaissance de ses limites parfaites, projeter dans un avenir instantané ou plus éloigné chaque ramification possible des orientations possibles de l’événement…successions d’erreurs, l’apprentissage le meilleur se fait par l’erreur, sa détection, sa correction, pour autant qu’elle ne soit pas sanctionnée de façon létale… ces qualités ne sont pas seulement celles du pilote…mais celles de tout les jours, celle de la vie de tout être humain… de son enfance a sa sénescence… pour survivre dans un monde aux hostilités parfois imprévues.

 

La procédure peut exister même dans la vie familiale, même a la maison, elle est un facteur d’organisation, donc de sécurité. Et l’aviation n’est que un élément supplémentaire de formation a la vie pratique comme a la vie spirituelle qui s’ajoute a tout ceux déjà existants, mais non un des moindres…

 

Mission avec l’ETA

 

Mon fils Claude Charles est né… il y a quelques semaines, je suis un nouveau père fier, bien sur, aux nouvelles responsabilités évidentes, l’hiver va bientôt arriver, et l’on m’a mis en contact de façon aussi discrète que mystérieuse avec divers interlocuteurs, suite, paraît il, plus a mon image d’aventurier que a celle de pilote, les aventures de Claudine et moi même en Empire Centre Africain en compagnie de Bokassa 1er n’y sont certainement pas étrangères.

 

Voilà que les choses se précisent… un rendez-vous, demain matin bonne heure… demain, pourtant, je dois emmener Jean Michel au Bourget, avec son Beech Baron, qu’importe, je propose à mon mystérieux visiteur de nous accompagner sur Paris, cela nous laissera plus de temps pour parler de cette mission qui m’est proposée.

 

Lundi tôt dans la matinée, j’ai presque oublié ce rendez vous quelque peu fantaisiste, et je suis devant ma tasse de chocolat, vêtu de façon for virile d’une chaude robe de chambre, chaussé de pantoufles, l’aventurier africain a plus l’apparence d’un retraité de quelque administration qu’autre chose.

 

Claudine et le bébé sont dans la chambre, bien au chaud, et… quand on frappe à la porte du chalet… c’est une surprise… ah… oui… le fameux rendez vous… se concrétiserait il donc ?

 

C’est dans cet accoutrement que j’ouvre… un grand type mince, au visage glabre se tient droit derrière la porte, sac marin sur l’épaule, chemise ouverte sur les dogs tags, jean moulant laissant deviner une virilité certaine, cheveux ultra courts, blancs… « Je me présente, Colonel Rosset Fassioz, dit il, me broyant la main, on m’a dit que vous étiez l’homme de la situation, nos recoupements ont guidés notre sélection, et je compte sur vous…

 

Complètement surpris par cette apparition, je bafouille quelques mots de bienvenue, et essaye de rassembler mes esprits… stupidement, je lui propose une tasse de chocolat… en réalisant qu’un double scotch serait certainement plus de circonstance, je n’ai même pas le temps de lui demander plus de détails sur « la mission » qu’il me l’expose lui même :

 

« je serai direct, je suis un ancien sympathisant du groupe Action Directe, mercenaire au Katanga et d’autres pays, je travaille maintenant pour l’ETA, Euskadi Ta Askatasuna, (pays basque et liberté) et j’ai besoin d’un avion et d’un pilote de confiance pour aller chercher sur le petit aérodrome de Ixtassou (Pyrénées) un riche industriel, l’emmener à sa banque à Genève ou il va retirer une grosse somme d’argent, et nous ramener a Ixtassou, ou l’argent sera remis à l’organisation, à l’arrivée, il y aura 200 000 Francs en liquide pour vous… des questions ? »

 

Des questions, des questions, oui, j’en ai déjà plein la tête… Claudine depuis la chambre me demande déjà qui est ce, de quoi s’agit il, de plus, mon passager, Jean, doit arriver d’un instant à l’autre, tout cela arrive à un moment ou je ne suis pas dans mon état de réflexion et de décisions habituelles, et … la première de mes questions est… mais… mais… votre riche homme d’affaires, il ne sera peut être pas d’accord ? « Commandant Domergue, me réponds t’il, quand on a une grenade attachée après les « c…les », on est toujours d’accord avec celui qui a la télécommande »

 

Evidemment, la réponse n’admet aucun commentaire superflu, et je ne peux qu’acquiescer.

 

Mon passager arrive, le temps de lui demander son accord pour emmener mon … « mythomane » à Paris,

 

Et nous embarquons dans le Beech, pendant le vol, je réfléchis à la situation, sur que 200 000 francs… ce serait une bonne affaire, à la fois pour ma petite famille, mais aussi pour tout les investissements que nécessite ce gouffre financier qu’est l’entretien de l’aérodrome de La Vèze, la morale dans l’histoire… pas encore trop étudié la chose, moi l’ETA, a vrai dire, je ne sais même pas ce que c’est, mais de plus en plus, cela me paraît une fois de plus un délire de quelques mythomanes, même à cet âge la, j’en ai déjà tant rencontré, de ces « faux médecins, faux pilotes » faux résistants, et aussi faux « katangais », dans l’équipe des gardes du corps de Johnny Halliday, il y en a, des vrais…des anciens de « la bas », et la véracité de leurs aventures est proportionnelle a leur discrétion, bien sur, celui la ne racontes pas ses aventures, et expose simplement et brièvement « la mission ».

 

Non, cela ne tiens pas debout, et puis… même, si… ce projet était réel, pourquoi une foi la mission accomplie, me donnerait on ma récompense ? alors qu’il serait si facile alors, sur le petit terrain désert de Ixtassou, de se débarrasser du pilote et de son avion… non, non, la bas, derrière notre avion, il y a Claudine, Claude Charles, qui ont du se rendormir et comptent sur moi, cette histoire frise le ridicule dans tout les cas de figure, y compris celui de la morale, ma décision est prise, dés le Bourget, je serai franc et direct avec mon « légionnaire mythomane», et n’accepterai pas sa proposition.

 

La chance est avec moi, à peine les moteurs arrêtés, je reconnais sur la parking mon ami Jacquemond, un de ceux de la bande à Bidoux, aux grandes époques de Toussus le Noble, lui aussi est un « baroudeur du ciel », un vrai, d’ailleurs c’est lui qui a accepté d’emmener les journalistes au Tchad, du temps de « l’affaire Claustre », pour interviewer et les prisonniers, et le président de l’époque, Issène Habré, sur cette affaire délicate, cela en Piper Navajo, avec les classiques escales sur des terrains de fortune, ravitaillant son Navajo avec les traditionnels seaux, la routine quoi, sauf que la, des intérêts politiques entre les états français et tchadiens apportaient à cette opération un jour particulier.

 

Ca y est, je vais présenter mon « colonel » à Jacquemond, lui saura bien diluer ses ardeurs et l’orienter vers d’autres fantasmes que l’enlèvement de personnalités et extorsion de fonds..

 

Chose faite, au risque de décevoir mon commanditaire, je viens de lui annoncer mon… incompétence, et transféré l’affaire, je ne saurai jamais si il aura eu un instant de mépris, ou si, il me sera reconnaissant de le raccorder à « l’un de mes pairs »… je les vois discuter avec intérêt, échanger des noms, des références … quelques minutes plus tard, Jacquemond vient me remercier pour cette « affaire », comme si lui, il y croyait…

 

Je ressens presque un regret…à voir leurs connivences… regret vite envolé…convaincu que je suis que cette aventure n’est qu’histoires d’anciens militaires nostalgiques qui rêvent d’actions secrètes.

 

Je croiserai plusieurs fois mon ami Jacquemond, au cours des années qui suivirent, ni lui ni moi ne reparlerons de cette rencontre, peut être se sentait il ridicule d’avoir paru y croire…

 

Quand à moi, bien d’autres aventures, bien réelles celles la, m’attendaient, et bien d’autres rencontres aussi avec des personnages fantasques aux histoires rocambolesques, aussi, resterai je persuadé que le «fameux colonel » n’avait jamais été qu’un ancien soldat sans grade à la recherche de reconnaissance et que ses contacts avec les milieux mercenaires ou autres n’avaient jamais dépassés les bars de quartiers.

 

Et puis, avec les technologies modernes, l’arrivée d’internet, un soir, je ne sais pourquoi, je tape sur un moteur de recherche le non de « Rosset Fassioz »… le nom existe bien, ici, la, l’un est vétérinaire, l’autre cultivateur, un autre encore musicien… je me doutais bien… mais… surprise, un article en espagnol… concernant… l’ETA, Colonel Rosset Fassioz, 65 ans, détenidos en la carcel de Brescouss membre de l’extrême droite française remis à la DICILEC par les autorités espagnoles, arrêté pour… détention d’armes, de 400 kilos d’explosifs, connus pour ses actions … suit une liste… qui enlève cette fois toute supposition de mythomanie… et aussi quelques éléments sur son charisme et sens de l’honneur qui laisse a penser que le contrat aurait été honoré conformément à ses paroles.

 

J’avais donc bien côtoyé ce jour là un personnage peu ordinaire….

 

 

 

DES VOLS COMME LES AUTRES

 

Oui, je sais, bien des lecteurs me demandent de relater quelques aventures aériennes, ou plutôt mésaventures… » c’est cela qui intéresse », et non le vol classique moderne sans piment… oui, mais la encore, j’ai envie de rajouter des « CAUTION » des « WARNINGS », tout ce que j’écrirai ne sera que pure vérité, aventures banales pour ces époques, aventures vécues par des centaines de pilotes, vécues par mes amis proches, donc, finalement d’une certaine normalité, et mon seul mérite est de les transcrire, au risque de déclencher chez ces pilotes syndicalistes et bureaucrates les sempiternelles critiques sur des facettes d’un métier que par chance ils n’ont jamais eu a pratiquer.

 

Ami pilote de ces époques, je ne demande pas ton indulgence, tu sais… tu as connu cela aussi bien que moi. Mes histoires sont les tiennes.

 

Ami pilote de l’aviation de loisir, la plus belle, celle de la passion, celle de « l’aéroclub »… ne prends surtout pas exemple, ces époques sont heureusement révolues.

 

Ami pilote des grandes administrations, abstient toi de critiquer, tu n’y étais pas, ou tu as voulu oublier ces expériences de tes débuts… sois honnête, ne les rejettes pas, elles ont existées.

 

Par quoi commencer… ah si, bien sur, mon « lâcher »…la plus grande, la plus belle, la plus courte, c’est déjà raconté dans un paragraphe précédent.

 

La suivante…? finalement… chaque vol, chaque ligne de mon carnet de vol est une aventure… le petit Jodel monoplace a verrière ouverte avec lequel je «montais mes heures de vol »… le C-130 Hercules en mono pilote… pas les mêmes tonnages, mais les mêmes tensions, la même sueur… les mêmes terreurs… eh oui, combien de fois ai je eu la peur, la terreur, dans des moments graves, combien de fois m’as t’il fallu garder la sagesse de surtout garder froideur et lucidité…

 

Je ne suis que un « petit pilote de petits avions… des… « avionettas »…comme ils les appellent en Colombie, mais ainsi que le disait Pierre Clostermann, l’une de mes idoles aéronautiques, dont je connais les livres presque par cœur, il ‘y a pas de petits avions, ou de gros avions, mais… des avions, toutes sont des machines qui donnent a l’homme ce rêve éternel, voler, et vivres des aventures extraordinaires.

 

Alors

 

TOP, c’est partit, pas de chronologie, pas de «critères de tonnage d’avion ou autre… je te racontes, comme ça, parce que cette histoire me vient a l’esprit… une parmi des certaine, ou plutôt parmi 30 000, si tant est que chaque une des mes heures de vol est une aventure. Une expérience de suites d’erreurs, parfois de fautes, mais aussi de passion.

 

C’était dans le milieux des années 70, Claudine et moi étions pilotes en région parisienne sur un Cessna 421 privé, a l’étrange livrée rose et blanche, la belle vie, l’appartement dans le 16eme, notre commanditaire roulait Ferrari, Lamborghini et autres Maserati, grands hôtels et le train de vie qui va avec, week ends a Deauville, Nice, Biarritz, et, visites a sa maman en Bretagne, qui d’une façon fort émouvante glissait toujours un petit billet de banque a son milliardaire de fils.

 

Nos missions ? Mener des tableaux de maîtres a titre de placements financier chez la petite bourgeoisie de province, revenir les rechercher pour des expositions valorisantes, avion super entretenu, (pour une fois), cependant, depuis quelques vols, une petite vibration sur le moteur droit devenait de plus en plus inquiétante, Transair le Bourget était sur la chose, mais malgré leurs compétences reconnues, la source de cette vibration restait mystérieuse.

 

Il faut savoir que les moteurs du C-421, le Continental GTSIO-520 D, sans être un monstre de puissance comme les moteurs d’avions de chasse en ligne ou en étoile, n’en reste pas moins l’un des plus puissant des « flat 6 » d’aviation générale, un peu de culture aéro : « G » pour « geared », le lourd train d’engrenages qui réduit la vitesse de rotation des grandes hélices tripales Mac Cauley dans une plage de 1500a 1900 RPM seulement.. « T », pour le turbocompresseur, chauffé a blanc, tournant a des milliers de tours minutes, « S » pour supercharged, … la pression d’admission élevée à 42 pouces de mercure… un super poumon…,limitée par de fragiles « waste gates », « I O » pourInjected Opposite Cylinders de 520 Cubic Inch de cylindrée… les 375 chevaux en puissance METO, 410 en Max TO power… c’est une belle mécanique, mais a la réputation de fragilité….rien d’étonnant donc à mes inquiétudes sur cette vibration du moteur droit.

 

La mission de ce fameux jour m’avait amenée a Metz Frescaty, par une journée hivernale aux brouillards épais, les minimas, « en ce temps la »…étaient ceux du pilote, aussi, après ma livraison de tableaux de maître, m’apprêtais je à décoller avec une visibilité et un plafond pratiquement nul, accompagné de trois « commerciaux financiers » assis dans les siéges « club » c’est a dire deux sièges sens du vol, et deux opposés, dos au sens du vol,( ce détail a son importance)

 

Poussant les manettes avec douceur, laissant le temps à toute cette belle mécanique de se mettre en puissance, les 800 chevaux tirent les 3 tonnes de la machine qui accélère puissamment… les gouttelettes d’eau se transforment en un rideau de liquide sur le pare brise, tandis que mes yeux se concentrent alternativement entre les traits blancs de l’axe de piste et le conservateur de cap, a une cadence élevée, une échappée rapide sur les pressions d’admission… ne pas exploser les cylindres en cas de mauvaise régulation des waste gates… la vitesse de décollage… c’est le moins important… ça « se sent »… sur un petit avion comme cela, Vr, Vlof, V1, tout ça, c’est plus de la théorie que du réel… l’avion a déjà quitté le sol… et grimpe fort dans le noir… Réduction des puissances, la PA descends a 39,, les tours adaptés… ça vibre toujours légèrement à droite… quand l’un des passagers hurle… » LE FEU… le moteur est en feu…« OU ça… lui demandai je… » « A droite, il y a le feu a droite »….voilà, c’était quelque peu prévu… le « droit » vient de lâcher, j’imagines rapidement la rupture d’échappement, c’est toujours étonnant de voir a travers les « ouies de requin » des capots moteur les tubulures rouges vif des échappements… sur Piper Aztec, j’avais eu cette rupture, avec combustion rapide de tout ce qui était autour, capot polyester, air ducts, cablages divers… aprés un atterrissage à Bordeaux, le moteur ressemblait aux arêtes d’un poisson dans un dessin animé.

 

Sur ces moteurs suralimentés, Il y a aussi le turbo… ça tourne vite, pas loin de 200 000 tours minutes, 800 degrés à l’entrée, soumis a des températures élevées… un grippage transforme le compresseur en générateur de feu en rien de temps.., reste le système d’injection d’essence, le radiateur et canalisations d’huile… tout cela te traverse l’esprit en… même pas une seconde… que déjà… il faut prendre la bonne décision… rendons grâce a ceux qui m’on transmis un savoir… que j’essaie a nouveau de transmettre, en Afrique, quand tu décolles en surcharge d’une piste courte, terminée par des arbres géants… en bi moteur, tu doubles le risque de panne, et comme, déjà parfois… si le train est un peu lent a rentrer, il effeuille le sommet des branches, alors la, ce n’est même plus la peine, l’avion est trop lourd, et perdre un moteur. Avec un avion trop lourd. C’est a coup sur l’écrasement en bout de piste… la, le C-421… surmotorisé, peu chargé… la vitesse d’exécution te sauve la vie, sur un moteur, ça monte… il me faut passer l’hélice en drapeau très vite, enfoncer le bouton rouge des extincteurs moteurs, contrer l’embardée, tenir le cap… mais le feu, la hantise du pilote, ça te dévore l’aluminium en quelques secondes… faire vite… oui, couper le droit… vite… pourtant, non, je n’hésite pas, mais j’attends..2..3..5 secondes peut être.. m’assurer de la légitimité de cette action irréversible… bien m’en prends… la cabine est éclairée par la lueur du feu.. mais, ne détectant rien d’apparent a droite.. un rapide coup d’œil à gauche… une traînée orange et jaune embrase le… moteur gauche…!.. « bon sang… mais c’est bien sur », comme le disais l’inspecteur Bourrel, dans un vieux feuilleton de la télé en noir et blanc d’antan… le passager qui a hurlé « le feu »..c’est celui qui est assis derrière moi… dos au sens de la marche.. pour lui, c’est a sa droite..!..le feu a déjà dévoré les capots, pourtant, la puissance est encore la, le temps que l’essence cesse d’arriver aux cylindres.. dehors, le brouillard fait un halo orange.. nous sommes perdus… la vie de mes passagers va s’arrêter la, la mienne aussi d’ailleurs, finissons dignement.. inutile de perdre son calme, bien au contraire.. cela ne servirait a rien… je décide d’appliquer les procédures standards.. montée a l’altitude de sécurité, le halo orange diminue, le feu est pratiquement éteint, juste quelques flammèches quittent encore le moteur.. l’aile n’a pas été atteinte, et l’avion vole normalement… décision… se dérouter au Luxembourg ? Le brouillard y est dense également, poursuivre sur le moteur droit, dont les vibrations sont toujours perceptibles, jusque au Bourget..?…plus d’une heure de nuit, le plus sage est de tenter la perçée sur Metz, le terrain de Frescaty d’ou je viens de décoller est équipé d’un GCA (système d’approche guidée par un opérateur radar militaire, dont la compétence est reconnue unanimement)..la, en bas, ils ont déjà activé la sécurité.. ils m’attendent… je prends mon temps, un large éloignement, je m’aligne avec des marges confortables… le contrôleur me prends en charge, sa voix calme et technique est un facteur très important, je suis calme, technique également, nous sommes deux, deux professionnels qui vont gérer ensemble une situation délicate.. entre nous, les liens sont très forts… « Tango Delta, vous arrivez sur le plan… attention, top descente dans 10 secondes… »…. « Tango Delta.. reçu.. »….Tango Delta… attention pour la descente… top descente »… je réponds « top descente » et sort le train… ( la sortie du train sur ce type d’avion donne une traînée qui, paramètres moteurs stabilisés descente donne exactement les 500 pieds minutes pour conserver le plan a 3/100 qui va m’amener a la piste), le ronronnement du moteur électrique de sortie de train suit le claquement du verrouillage des trappes.. mais, il diminue soudain.. tandis que l’éclairage du tableau de bord s’affaiblit brusquement… un coup d’œil a l’ampèremètre… il est en butée décharge…!!court circuit électrique du système…!!, et la batterie ne tient plus.. le train est sortit, mais que partiellement..!« Tango Delta, vous passez bas dans le plan.. c’est vrai, je n’ai qu’un moteur… il me faut garder plus de puissance sur le moteur vif, l’avion s’enfonce, le train à demi sorti augmente la résistance de l’air, et va nous faire capoter au contact du sol, il faut soit le rentrer manuellement, soit arriver a le sortir et verrouiller avant le sol… ne pas céder au stress… ne pas céder… toute remise de gaz est désormais impossible… »Tango Delta, corriger 5 degrés droite… Tango Delta… corrigez 8 degrés droite.. vous êtes toujours bas dans le plan ». Je dérive.. je quitte l’axe, corriger, corriger, il me faut corriger, la voix du contrôleur est toujours calme, impassible, moi je suis en train de débrayer le système d’engrenages qui relie le moteur électrique au train, pour tenter une sortie manuelle, et l’altitude diminue, dans le cockpit la lumière est pratiquement nulle, et la radio s’arrête au moment ou l’opérateur GCA m’annonce « a partir de maintenant ne répondez plus à mes instructions, vous êtes sur l’axe et dans le plan »…bien s’en faut, me voici manœuvrant dans le noir complet et le silence radio… Clac, clac, clac… les 3 roues se verrouillent enfin position sorties, l’altimètre indique déjà moins de 300 pieds… garder le cap, garder le plan, il y a quelques secondes… j’étais parfait.. garder le cap, garder le plan, ne plus toucher a rien, je ne vois plus les instruments… mais la, devant, pile devant, dans le pare brise… les lueurs des premières balises… je ne vois pas la piste, du moins son axe, mais je sais qu’elle est la… devant… ça y est, on distingue un semblant d’alignement de 2 puis 3 balises, assez pour garder un axe… l’avion touche le sol… garder l’axe, garder l’axe, ce serait trop bête de sortir de piste maintenant… je distingue les camions de pompiers qui filent à toute allure de chaque coté de mon avion… quand enfin la vitesse diminue, distinguant une entrée de taxyway je m’y engage et coupe aussitôt le moteur droit, et, dés l’avion stoppé, on ne sait jamais… fait évacuer mes passagers… dans les lumières des rotatings de pompiers et ambulances… mais, pas de problèmes, le feu est bien circoncis, il ne reste qu’à remorquer mon bel avion en zone sécurisée, s’occuper d’abord du bien être de mes clients, leur rapatriement sur Paris… par moyens… terrestres… et gérer les innombrables formulaires d’incident majeur, ce n’est que bien longtemps après que je pourrai savourer un moment de calme… mérité.

 

Merci, merci a vous, autres pilotes écrivains, dont j’ai tant lu et relu les récits, cette aventure est banales, j’en avais vécu bien d’autres avant, j’en vivrai, je ne le sais pas encore, bien d’autres après, ce ne sont pas les combats aériens de Clostermann, pas de Spitfires, de Messerschmidts, ce ne sont pas les exploits des pilotes de l’aéropostale, les Mermoz, Guillaumet, Saint Exupéry, non, juste les mêmes aventures que vivent, à ces époques mes copains, mes confrères, pilotes « d’avionettas »…Merci à vous tous, en me racontant vos aventures, vous m’avez donné la foi… la confiance… vous avez réussi… nous devons réussir… être dignes de vous.

 

Merci a vous, mes instructeurs, conseilleurs de l’époque, vous avez su, anciens baroudeurs, m’éduquer différemment de cette éducation que l’on reçoit dans les « écoles d’aviation » modernes ou l’on vous dit et répète que tout va bien se passer… me faire comprendre très vite que les situations… aussi graves qu’elles soient, ne sont pas forcément désespérées, si l’on a la foi.

 

CONVOYAGES D’AVIONS AGRICOLES

 

Années mi 1980

 

La encore, lecteur, je demande ton indulgence pour ces écrits, qui sont un peu mes « mémoires » a titre personnel, mais aussi un témoignage, pour mes enfants, mais aussi pour tous les passionnés d’aviation légère et d’aventure.

 

Claudine et moi même avions reçu de la société CAE au Luxembourg les délicates missions de récupérer a Marathon, Grèce, une série de Cessna 188 « AG Trucks », des avions d’épandage agricole, qui n’avaient pas volés depuis 4 a 5 ans… abandonnés au bord du petit terrain de « Marathonas ».

 

Je conterai plus en détails ces premiers convoyages, de Grèce au Luxembourg, sans radio, sans instruments de bord, même pas de boussoles, les compas s’étant vidés de leur liquide amortisseur sous les rayons du dieu Hélios…

 

Je rappellerai notre étonnement a notre premier contact avec ces avions qui étaient alors presque à l’état d’épave, voyant quelques Hellènes passer au balai brosse, l’intérieur de la cuve réservoir a produits chimiques a l’eau savonneuse, cuve reliée a l’orifice du réservoir d’essence normal, par un mince tuyau de plastique transparent, passant a l’intérieur de la cabine, ou une petite pompe électrique reliée par 2 fils a une source électrique du tableau de bord, permettait ainsi au 1200 litres d’un mélange de 100 LL, d’essence automobile, d’un peu d’eau, et de filaments résiduels des produits chimiques d’il y a 5 ans… d’arriver a alimenter les 310 chevaux du six cylindres Lycoming.

 

Je rappellerai également… les premiers convoyages, en patrouille, avec Claudine, escales diverses,

 

ATHÈNES, CORINTHE, KALAMATA, PATRAS, CORFOU, BRINDISI, ROME, …PONTARLIER..!..LA VEZE..! MIRECOURT et… enfin, LUXEMBOURG,

 

Une dizaine de CESSNAS « AG-Trucks ainsi ramenés de Gréce.

 

Les anecdotes de ces voyages, leurs pannes, fuites d’huile obscurcissant le pare brise, arrêts moteurs lors du blocage des canalisations d’essence par les filets cotonneux aperçus au passage dans le tuyaux plastique… fuites d’essence dans la cabine, a l’extérieur, tempêtes de neige (les vols se faisaient l’hiver, et même en Grèce, il neige )

 

..Rafales de vent dans les monts ERUMANTHOS au nord d’OLYMPIE… les passages du MONT BLANC, l’avion de Claudine qui montait brusquement… immédiatement suivi par le mien, et qui tout aussitôt descendais, comme précipité vers les sommets enneigés… moi même entraîné aussi dans ces turbulences infernales ou l’on croit perdre le contrôle, perdre les ailes… que d’aventures partagées, avec toi, Claudine, sans pouvoir communiquer, a quelques mètres l’un de l’autre, dans ces heureusement robustes machines…

 

FERRY FLIGHT (convoyage)

 

Vers l’AFRIQUE

 

Tout cela est en cours d’une rédaction plus vivante, plus détaillée, mais l’histoire que je vais te conter aujourd’hui, bien que plus récente, je l’ai vécue seul, seul a bord de ce monomoteur, lors d’un « FERRY FLIGHT » de MARATHON a BANJUL, l’ancienne colonie anglaise, autrefois dénommée SAINTE MARIE de BATHURST » capitale de la GAMBIE, cette langue étroite qui longe le fleuve du même nom. Et pénètre loin dans l’intérieur des terres africaines.

 

Bien que encouragé par mon ami Didier SIKKINK, fidèle lecteur de mes « essais littéraires », j’ai toujours cette pudeur qui me retient dans la narration d’aventures romanesques qui semblent invraisemblables a notre époque ou tout est épuré, aseptisé, réglementé, mais… venant de regarder avec l’attention que l’on imagines un film relatant une aventure similaire, l’histoire vraie d’un pilote convoyeur de C-188 de la cote Ouest américaine vers une île du pacifique, C-188 a l’autonomie elle aussi augmentée par l’utilisation du carburant supplémentaire stocké de la même façon, et ayant vécu des épisodes oh combien proches… pendant prés de 22 heures de vol, perdu au dessus de l’océan, j’ose me lancer, sans retenue, a te conter cette histoire. (son avion avait de plus la livrée rouge et blanche d’origine identique aux notres)

 

MARATHONAS

 

Après une « mise en place » par les bons soins du Boeing 707 d’Olympic Airways « Genève Athéne », me voici parcourant les 42 Kilomètres Marathoniens en taxi, croisant comme chaque fois nombre de disciples de Phidippidés rejoignant l’Agora dans une course a pied historique transpirants et haletants.. dés l’arrivée sur le petit aérodrome, j’aperçois le dernier des« AG Truck qui est la… lui a été préparé sur place, car il ira directement a BANJUL, sans passer par les ateliers de CAE, et l’on m’a promis une remise en état parfaite… avec cette fois une radio, et un VOR… c’est « Byzance »… mais… l’actuelle Constantinople, proche… est déjà aussi loin de Byzance que mon pauvre avion d’une remise en état CAE…!.. j’en prendrai conscience au cours de jours qui suivront.

 

MARATHON – ATHÈNES ( et pourtant )

 

Petit vol…42 Kilomètres par la route, mais, un saut de puce par dessus les collines.. et pourtant…

 

décollage de Marathonas… déjà, une certaine satisfaction… le badin (indicateur de vitesse ) semble fonctionner, ce qui n’était pas le cas des avions précédents, l’altimètre aussi… ce qui n’est pas d’un grand intérêt en vol a vue mais un plus par rapport aux convoyages des autres avions.. , après quelques minutes de vol… perte de pression d’huile, le compas… s’avère étre comme les précédents.. le gyro qui pends a l’égal de la boussole, dans sa cage de verre dépourvue de liquide amortisseur… quand a la radio… elle semble assez faible, mais audible.

 

Le temps de passer les crêtes, voici l’aéroport international qui apparaît… j’amorce la descente, la tour m’autorise numéro deux derrière un 707 d’Olympic en finale… et me demande d’orbiter

 

travers la tour de la longue piste de « Athénes International, » c’est au second tour au dessus de la zone sur-urbanisée que le silence se fait a bord… » engine quit »selon les termes américains.. !.. »

 

Procédure de recherche de panne » comme.. ils disent dans les livres… exécution de la procédure… tout cela, c’est vite vu… tu parles…!! juste le bruit aérodynamique… et dessous, ou dans le périmètre des… » 2 alphas »…( encore une belle théorie bien scolaire…) maisons et rocailles… la radio… plus rien..? je n’ai d’autres solutions que de me laisser planer jusque a l’intérieur de l’enceinte de l’aéroport… plutôt que choisir entre la rue ou jouent des enfants, la place du village ou les terrasses des constructions locales… j’opte pour une trajectoire perpendiculaire a la piste… passer l’enceinte de l’aéroport, il y a a de l’espace dégagé… je compte bien sur faire un virage serré pour me remettre face au vent et me poser dans l’herbe, parallèle à la piste, mais le Boeing 707 interloqué remet les gaz en courte finale… j’en profites pour prolonger quelque peu ma perpendiculaire et me poser sur la piste, juste avant un taxiway dégager sur ma lancée….avec déjà de l’assistance qui arrive,.

 

Les avions agricoles sont une « race a part », et en général, curieusement très bien tolérés sur tous ces aéroports a grand trafic dans les pays qui savent ce que c’est qu’un « travailleur du ciel », pas de remarques, ni du contrôle, ni du « captain du 707, qui viendra s’enquérir de l’état de mon avion.

 

Les formalités douanières et d’exportation, elles, seront comme à l’habitude… dignes d’un livre a elles seules..3 a 4 jours minimum.

 

La panne résolue, ( présence de filaments obstruant le filtre à essence ), décollage pour BRINDISI ce même terrain ou toi, Claudine, t’es retrouvée a la police aéroportuaire, car le machisme local ne pouvait admettre que tu étais la pilote de ce curieux monomoteur monoplace, puis départ pour la SICILE toute proche, PALERME ..sa falaise, l’ intégration entre deux avions de ligne, et la rencontre avec le chef d’escale, rencontre que je vais te conter.

 

« Mama mia…! ma…! qué est ce cet avione ? Tou es fou ? Ou tou va avec ça ?… » évidemment, l’huile suinte de partout, l’essence aussi, lui apparemment n’a jamais vu un avion de travail aérien… et quand je lui annonce que je repart le lendemain pour l’Afrique..!..avec un gilet de sauvetage et un minuscule canot…

 

Ma.. tou es fou… le dernier qui avait disparu on l’a retrouvé dans son bateau brûlé par le soleil, desséché.. et de me citer maints exemples du genre… mais quand il aura a me remplir les réservoirs supplémentaires, direct dans la cuve a pesticides, ses derniers mots seront après son signe de croix: « tou es oune bombe volante »….

 

Paroles rassurantes.. pour moi qui ai déjà une phobie de l’eau et du survol maritime… autant nombre d’avions américains sont convoyés en vol directs jusqu’en Europe, j’ai lu et relu les exploits de nos ancêtres et m’en inspire, mais l’idée d’amerrir, d’avoir déjà la chance que, retenu par son train d’atterrissage fixe, l’avion ne se retourne pas, de ne pas être assommé par l’impact, ( de ce coté la les harnais d’un avion agricole sont a toute épreuves ), et la suite… me retrouver en pleine mer, tète d’épingle sur l’océan… me stresse…

 

Non, lecteur… je vais être franc, ça ne me stresse pas… ça me TERRORISE, c’est la tempête dans ma tête, entre l’idée que je me fais de mon devoir, faire mon métier, nourrir ma petite famille, et cette autre responsabilité, ne pas les… abandonner a jamais, pour une poignée d’argent, oui, je suis terrorisé.

 

Je coince dans le contour du badin la photo de Claudine et de mon fils, Claude Charles, petite photo faite dans un photomaton, des deux êtres les plus chers a mon cœur, toute ma vie dans ces yeux qui me fixent… et me fixeront pendant toute cette expédition.

 

J’ai prévu de voler au ¾ de mon autonomie, afin de me garder ces fameuses trois marges de sécurités qui m’ont gardées en vie jusque a ce jour, 12 a 15 heures de vol… ça devrait me mener largement en ALGÉRIE, et je me poserai sur le terrain le plus approprié. Très marqué par le chef d’escale de Palerme, je grimpe le plus haut possible pour passer la mer entre la SICILE et la TUNISIE.

 

Lorsque le moteur tourne, ma radio est acceptable, avec une portée limitée a un rayon de quelques kilomètres, je passe au dessus de TUNIS, le terrain de El Aouina, ou j’ai tant rêvé en regardant les Breguet, les DC -3, DC 4, ce Constellation de « Trans Worls Airlines… dont les roues avait connues le « sol américain »…Tunis El Aouina, c’est aussi Jean Denis BOSSOUTROT, le piper « cub » F-OAVH, tant de souvenirs… de la haut je distingue aussi le « Djebel Ressas », avec son centre de vol a voile, plus loin, HAMMAMET, devenu centre touristique, et très loin … dans l’invisible humain, mais si fort dans mes souvenirs, les déserts de ma jeunesse, déserts peuplés des serpents, flamants rose, fennecs et autres animaux de papa, scorpions de Monsieur BOSSOUTROT, forages, oasis, cultures initiées la encore par papa.

 

Je te le rappelle en « devoir de mémoire », lecteur, toi qui ira en touriste dans le sud Tunisien, la plupart des oasis autres que celles de TOZEUR et NEFTA ont été créées par Charles Antoine DOMERGUE, ingénieur géologue, délégué a cet effet avec son ami bisontin Gilbert CASTANY par la France en Tunisie. Les « montreurs de serpents » de Tozeur sont aussi, de père en fils, issus de la passion communiquée a un Monsieur TIJENNY, par papa, et la découverte du lieu de nidification des flamants roses au milieux du « Chott El Djerid », devenu réserve naturelle, est a apporter la encore au crédit de ce passionné de sciences naturelles qu’a été mon père.

 

M’excusant de ce rappel filial qui n’a que peu de rapport avec mon récit, hormis ces souvenirs qui se bousculent a 15000 pieds au dessus du pays de ma jeunesse.

 

Puis arrive l’Algérie… déjà quelques heures que je vole, en silence radio, la aussi, bien des souvenirs, le soir approche, les réservoirs se vident.. il faudra… penser à trouver un terrain, j’abandonne l’idée de Alger, j’ai encore en mémoire notre escale en compagnie de Claudine un 13 Décembre 1978, lors de notre descente BESANÇON BANGUI, ALGER… escale.. a éviter…

 

ORAN se profile au loin… quelques tours minutes de moins au moteur, une longue, longue et progressive descente… la radio accroche… c’est bon, bien sur, personne n’attends cet avion venu d’on ne sait ou, j’ai passé les plans de vols réglementaires, mais je sais par expérience que à cette époque et dans ces pays la… un plan de vol VFR… n’est jamais traité… perdu entre les téléscripteurs, dans d’innombrables bureaux ou les téléphones sonnent dans le vide… elle est loin, l’Algérie prospère de la colonisation tant critiquée de nos jours, colonisation, mot devenu le mot de la honte. Ce n’est pas une critique, mais un simple constat objectif qui n’engage que moi, qui ai connu d’autres époques prospères.

 

Que te dire, lecteur, d’intéressant à propos de cette escale… sinon parler de… Oran et son histoire aéronautique passée.. mais pour ce jour, rien que du classique, suspicion, saisie temporaire de l’avion, recherche du plan de vol et de sa légalité, théâtre hypocrite et inutile… en Afrique, la loi, la grande loi, c’est la patience, attendre la fin de la comédie, la fin des remous… attendre « l’expulsion » libératrice qui permettra a chacun de garder un semblant d’honneur…

 

Expulsé… ça y est, même pas de « journées de prison » comme avec Claudine… l’avion rempli a ras bord, je décolle lourdement, cap Sud, Sud ouest… du moins… à peu prés, car sans boussole… c’est… de l’a peu prés… lors de notre descente Alger Niamey avec Claudine, ( les GPS n’existaient pas ), nous avions compas et gyroscope, et, la traînée occasionnelles d’un jet liner dans l’azur qui nous confirmait la « route », la, en diagonale… rien de tout cela, mais, je l’ai déjà dit, le désert, c’est « mon » pays… c’est quelque chose de familier, tout aussi dangereux, peut être plus pour certains, mais pour moi, je me vois plus jouer « le petit prince » au milieux des sables, que le « le petit baigneur »…tout cela, ce n’est que du subjectif… mais dans le moral, le subjectif conserve toujours une part de sa place.

 

Les contreforts de l’Atlas… c’est haut les Aurès,… pas autant que les Alpes, bien sur, mais… c’est haut, ma route « diagonale » va sensiblement suivre la ligne géologique du moyen Atlas, ma tenue de cap, sans boussole, sera fonction de l’avance du soleil, je n’ai bien sur jamais fait de navigation astronomique, mais une simple logique dans l’arbitraire devrait …au fur et a mesure que le soleil se déplace vers l’ouest, me donner un angle de route variable, que je corrigerai en fin de journée afin d’avoir un cap plein ouest, qui devrait m’amener sur le littoral de l’Océan Atlantique, de la, par le principe de « l’erreur systématique », je remonterai ou descendrai la cote dans la région d’AGADIR (du moins… j’espére « tomber » dans une « zone d’incertitude » compatible avec le coucher du soleil et le carburant restant…

 

Après quelques heures de vol, le relief se fait plus clément, mais… hélas, le ciel se couvre, et ma « navigation solaire »…se couvre aussi… il ne me reste que a prendre a chaque fois un repère a l’horizon, et de repères en repères, conserver une ligne la plus droite possible.

 

J’ai du aller trop « Sud », coté COLOMB BECHARD car il y a de plus en plus de dunes, et un vent de sable se lève, le vent de sable, je connais bien, du moins, je connaissais bien, lorsque Papa nous emmenait, Maman et moi, dans le grand Grand Erg oriental jusque en LYBIE, j’ai déjà raconté ces expéditions, d’abord en side car « Harley Davidson », puis en Jeeps et Dodges, véhicules laissés au gouvernement tunisien par les libérateurs américains, le souvenir du sirocco qui vous pique comme des aiguilles dans un vent glacial… s’infiltre partout, notre petite famille emmitouflée dans des burnous qui se recouvrent progressivement de ce sable, en avion, cette visibilité qui se réduit m’a obligé a descendre, et surtout, je n’ai plus vraiment de repères distants pour voler droit, mais mon inquiétude naissante fait place a plus de sérénité, le sol devient plus rocailleux, tourne a la « hamada »… ces zones ou les pneus des Jeeps ou Land Rover étaient mis a rude épreuve dans le temps.. ce n’est pas un vent de grande portée, la visibilité s’améliore, mais.. je n’ai vraiment aucune idée de ma position, je n’ai, comme « documentation », que la carte « Michelin » qui fait a elle seule moitié du continent africain, c’est dire si elle est peu détaillée, comme d’autre part, tout se ressemble, une carte a meilleure échelle ne serait pas d’une grande utilité… cela me permet juste de mesurer des distances en transformant les heures de vol en centimètres parcourus, et encore, mesuré grossièrement avec les doigts, car avec la turbulence et le cockpit exigu du monoplace…!

 

La visibilité s ‘améliore, le sol aride laisse apparaître quelques buissons, puis des arbustes… cela corresponds avec les zones de la « Michelin », de jaune… cela passe progressivement a un vert de plus en plus net, j’approche a coup sur de la cote, mais… vais je être trop au nord, et devoir tourner a gauche pour chercher Agadir, ou au contraire, trop sud…?..sur la carte, juste au niveau de Agadir, a peine gros comme un demi grain de riz.. une tache bleue.. limitée par un trait noir……matérialisant un barrage… ça doit se voir cela, profitant du beau temps, je monte en altitude et… découvre, juste dans l’axe de ma trajectoire, une sorte d’étang… non… je ne le crois pas… j’ai du parcourir plus de 1000 kilomètres sans boussole, entre lignes droites et arcs de corrections arbitraires, et le hasard m’amène… juste en vue de l’aéroport, dont j’ai noté la fréquence radio, le contact s’établit tardivement.. atterrissage classique, mais dés l’avion au parking, l’accueil habituel, police, armée, etc… avec sa roulette de queue, mon avion ressemble a un avion militaire, il me suffit d’annoncer que j’arrive d’Algérie…( les relations Algéries Maroc n’étaient pas au mieux a cette époque ) et me voici embarqué en cellule… les 2 ou 3 jours « réglementaires » pour laisser décanter, heureusement, je connais cette philosophie, enseignée par mon père, rappelée par mon geôlier… attendre, sans manifester aucune émotion, sans laisser paraître le moindre sentiment….et j’obtiens enfin l’autorisation de repartir vers le sud.

 

HASARDS DU DESTIN

 

(Ou, comment un épisode on ne peut plus banal, influencera l’avenir de mon fils.)

 

Un épisode d’apparence banal, mais qui cependant sera décisif pour l’avenir de mon fils, quelques années plus tard.

 

Pendant mon plein de carburant, j’applique un adhésif « Domergue aviation » comportant mon numéro de téléphone sur l’une des tuyauteries du poste a carburant, coutume pratiquée par un grand nombre de pilotes de diverses compagnies aériennes, a titre de « nous sommes passés par ici ».

 

Une quinzaine d’années plus tard… Jacques CLOSTERMANN, ( fils du célèbre héros de la bataille d’Angleterre, et auteur par ailleurs de nombreux livres dont « le grand cirque ») Jacques, donc, est en escale avec un 747 Cargo d’ AIR FRANCE devant cette station de carburant et voit mon adhésif… me téléphone d’AGADIR pour me demander des nouvelles « Ou en est Claude Charles depuis qu’il a réussi ses examens de pilote de ligne ?..? »

 

– »Il cherche une place en compagnie, nous n’arrivons plus a payer les crédits de sa formation, … »

 

lui répond je, .

 

-Il faut faire un effort financier supplémentaire, sans qualification de « type », il ne trouvera pas une place…, fais lui passer une qualification Airbus A-320, ça ne coûte que.. 30 000 €uros.. ( ! ) de plus, avec des copains, nous sommes en train de monter une petite compagnie… on lui fera une place….

 

(Jacques est un ami des grandes heures de La Vèze, lui et ses amis de la PATROUILLE de FRANCE, des pilotes d’essais, comme Jean Marie SAGET démonstrateur du Mirage pour DASSAULT, Philippe DUCLOS, et autres JET’s MEN .. le cosmonaute Jean Loup CHRETIEN ou Patrick BAUDRY sont passés dans notre école de La Veze pour transformer leurs brevets militaires en brevets civil lors de leur reconversion.. grandes époques de gloire de La Vèze… qu’il fallait rappeler.. pour la postérité.)

 

Encouragé donc par cette perspective, Claude Charles ira trouver Jean MICHEL, le véritable fondateur de l’AÉRODROME de BESANÇON, qui lui accordera en toute confiance sa caution bancaire pour un emprunt supplémentaire s’ajoutant aux quelques 100.000 €uros déjà investis, et passera ainsi sa première qualification sur Airbus a la SABENA Bruxelles.

 

Mais, le projet de cette nouvelle compagnie mettra du temps a éclore, tant de temps… que c’est sans aucune aide ou parrainage que Claude Charles trouvera, seul, par son assiduité sa détermination et sa bonne image, son premier travail chez IBERWORLD Espagne ( la compagnie charter du bassin méditerranéen avec le « sourire TUY sur la dérive de leurs Airbus), avant d’entrer chez AIR ASTANA, et ses A-320 tout neufs, au KHAZAKSTAN, ou il parcourra de MOSCOU à PÉKIN, de DUBAÏ a OURST KOMENOGORSK, dans des neiges et brouillards que l’on imagines même pas ici, ou les vols sont suspendus dés les minimas réglementaires atteints.

 

Je te conte tout ceci, lecteur, cela est « hors » de l’histoire de ce voyage, l’escale d’AGADIR et son adhésif est une anecdote que je voulais partager avec toi.

 

LA ROUTE DE L’AÉROPOSTALE

 

Revenons dans les années 80, me préparant a repartir vers DAKAR, ou du moins dans cette direction, avec mon petit, tout petit Cessna 188, ne voilà t’il pas que les autorités marocaines ne veulent plus me laisser décoller, en effet, le POLISARIO, ( Frente Popular de Liberacion de Sagui el Hamra y Rio de Oro) vient de rompre ses accords éphémères avec le MAROC.

 

La « guerre des sables » a repris, et ils viennent d’abattre un avion de tourisme Cessna qui suivait la mythique route « Toulouse saint Louis du Sénégal…. je dois signer les décharges d’usage, et voler assez loin en mer pour éviter la DCA, et les missiles SAM, ( Surface to Air Missile ), je subi un rapide briefing par le colonel de la base, sur le SA-6, portée de 5 a 50 kilométres, le SA-7, le STELA 2… je connais déjà quelque peu ce genre d’engin pour avoir lu et relu sur des revues américaines « how to dodge a SAM » par les pilotes de F-4 « PHANTOM ou B-52 au Viet Nam, il y a ceux qui arrivent a Mach 3, ceux dont on voit la traînée de fumée, a guidage radar, ou IR ( infra red )… il faut, comme mon père, lorsqu’il avait été mordu par une vipère, ou piqué par un scorpion… garder son calme, surtout… ne rien faire, attendre le presque impact, « and… dodge the missile » par une brutale manœuvre qui ne lui laisse pas le temps de corriger sa trajectoire… mais… entre lire cela avec passion, assis dans un canapé, et se retrouver avec un général qui vous explique que vous avez toutes les probabilités d’être confronté a la chose… il y a une dimension… bien… différente….

 

Tu imagines, lecteur, moi qui déjà suis plus que mal a l’aise en survol maritime monomoteur… avec cette menace supplémentaire…

 

LE « SALAIRE DE LA PEUR »

 

C’est encore la tempête dans ma tête, les petits yeux de Claude Charles, le regard de sa maman, sur cette photo au coin du badin… quelles sont mes responsabilités ? Ou sont elles…? ou est le raisonnable ? Le risque proportionnel a l’intérêt, ce vol devient un peu le « salaire de la peur », et la bas, a Besançon, nous avons besoin d’argent… le maintien de l’aérodrome, les sacs de ciment pour combler les trous, la parole donnée a Jean MICHEL, au Luxembourg, la mission confiée par la CAE, a BANJUL, les cultivateurs qui attendent l’avion qui doit les débarrasser des insectes prédateurs… tout cela se bouscule….

 

La foi, la confiance en moi, la détermination qui a toujours été un « mot clef » dans notre famille…

 

l’esprit des anciens, les MERMOZ, GUILLAUMET, et autres moins connus ont parcourus cette route avec des dangers bien pires encore…

 

Je ne peux faillir a ma parole, a mon devoir… mais c’est le cœur lourd que j’arrache une fois encore mon avion en surcharge, pour le diriger plein Ouest, pleine mer… afin de m’éloigner de la cote…

 

Je monte dans l’aube pure, un curieux sentiment me gagne, outre l’écoute de chaque cycle des mes pistons… je pense à mon oncle, dont on vient de m’annoncer la phase finale de sa longue maladie, je monte dans ce ciel bleu, comme lui, s’apprête a monter dans des cieux inconnus… j’ai une impression de communion avec lui, l’impression de partir pour mon dernier vol….

 

Après quelques heures de vol… forcément, on ne peut maintenir une tension, une peur constante, je n’écoutes plus le moteur… mais la peur reste ancrée dans mon ventre… j’imagine CLOSTERMANN, fonçant entre les obus de DCA, Jean MARIDOR, chasseur de V 1, les pilotes au Viet Nam, ou ceux de la guerre d’Algérie, et la honte me gagne… cette honte de mes peurs devient de plus en plus grande, et je me dois de me reprendre, être digne, dans ce ciel finalement serein.

 

Lors des longues étapes précédentes, j’avais coutume de me nourrir de mes provisions parfumées a l’essence ( toujours les fuites ) et boire, en tenant le manche entre les genoux, uriner dans une boite, la vider par la « storm window », passer le temps ainsi quand l’air était calme, la, j’ai mal au cou, a force de regarder a gauche… a surveiller l’hypothétique petite traînée noire du missile… je suis loin, et la cote n’est qu’un trait mince a l’horizon… mais…!

 

Et papa qui m’a dit, depuis son île lointaine de MADAGASCAR, « « attention, Claude, n’oublie pas que dans ces pays, les politiques fournissent a tous ces gens des armes de plus en plus modernes, qu’ils brûlent d’envie d’essayer…. je m’en veux de cette vigilance inutile, et me fait violence pour quitter la cote du regard… j’ai mal, le torticolis m’a gagné… peut être est ce plus facile, plus adrénaline, d’être pilote de chasse en plein dogfight… plus jeune, je ne rêvais que de cela, mais aujourd’hui, la paternité m’a fait changer totalement de mentalité.

 

LA COTE SARAOUI

 

« Damned »…comme dirait Buck DANNY…!… la bas… un éclair… ça y est… c’est sur… un tir de missile isolé.. Mach 3 ? combien de secondes ? Avant d’apercevoir la fumée ? Combien de fraction de secondes « to dodge it »

 

Je suis vraiment un imbécile…!…il y en a qui ont fait cela tout les jours dans leurs missions de guerre,

 

J’ai viré face a la cote, mieux le voir arriver… rien, rien… les secondes passent… je n’ai plus peur du tout… je me sens prêt,… déterminé… c’est donc cela… la décharge d’adrénaline qui donne a l’humain tout les courages, une simple réaction chimique… je sens en moi une force invincible, une escadrille de« ZEROS, de MESSERSCHMITTS ou de MIGS pourrait fondre sur moi, je suis « in action »…. les secondes ont passées… le ridicule m’envahit, ce n’était peut être que un reflet furtif du soleil sur un pare brise d’un véhicule patrouilleur, POLISARIO, certes, mais… c’est tout….je ne suis pas fier de mes peurs, et cet épisode de phobie ridicule me pèse déjà, la honte est plus forte que la crainte, et je vole désormais dans un sentiment d’aisance naturelle.

 

Je passe enfin le territoire d’IFNI (du moins… d’ après ma montre), sortant de la zone rebelle, je vais me rapprocher de la cote, quand ma radio se réveille

 

« CANARIAS, CANARIAS me copias ?…CANARIAS… CANARIAS… me copias ? Cette voix est claire, forte… et pourtant… je ne vois pas les Iles Canaries, mais je devine que j’en approches, ma position est donc confirmée, je ne sais a qui ce message laconique, plusieurs fois répété, s’adresse… j’essaie de transmettre, mais rien… je vole maintenant prés de la cote, et reconnais, même si sur ma carte, cela ne fait qu’une toute petite protubérance, CAP JUBY….le fameux CAP JUBY de mes lectures, celui de MERMOZ, celui de l’AÉROPOSTALE, une émotion profonde m’envahit… est ce réel… je passe CAP JUBY..!..TARFAYA, puis, voici, EL AIOUN, le vent s’est levé, le ciel s’est couvert rapidement, Port ETIENNE, du nom de….

 

c’est la que SAINT EXUPERY a écrit « TERRE DES HOMMES », ce livre dont je lisais a Jean Louis DAGOT des passages, comme on lit une bible, sur 119, 4, lorsque je rentrais de nuit a Dole TAVAUX avec mon Piper AZTEC.

 

L’Océan roule des grosses vagues, et les épaves de bateaux hantent le port, comme d’énormes fantômes rouillés, certains sont maintenant posés a même le sable, c’est un spectacle unique, ces « shipwreckage » sont devenus une curiosité touristique qui fera plus tard l’objet de nombreux reportages.

 

Épuisé par mon vol.. je me présente en finale face au Nord, avec un fort vent traversier, le sable court au ras du sol, allant jusque a masquer la piste en très courte finale, et je fais l’un des plus mauvais atterrissage de ma carrière, touchant d’une roue, rebondissant sur l’autre, fort heureux d’enfin rejoindre le parking… me voici dans cette ambiance surréaliste, les bâtiments qui ont vus passer GOURP et ERABLE, GUILLAUMET et tant d’autres de mes héros…

 

Le chef de la tour de contrôle vise mes documents, et me fait l’honneur d’utiliser le tampon d’époque de l’AÉROPOSTALE, je suis très ému… j’arrive a joindre Claudine par le téléphone de la tour de contrôle, elle sentira mon émotion a travers ces quelques milliers de kilomètres.

 

Quelques pas dans la ville, privée d’électricité, les silhouettes des « Maures » semblent glisser dans les pénombres, a peine éclairées par quelques torchères… la fatigue ajoutant a cette ambiance d’un autre monde…

 

ENCORE UNE HISTOIRE D’ADHÉSIF…

 

Je rentre dormir dans une sorte d’algéco utilisée par les pilotes en mon genre, et, la encore, je colle sur le panneau des « passages » mon adhésif, et… la encore, ce geste aura… la encore, après des années, des suites inattendues.

 

Dix ans après, je reçois un appel de NOUADHIBOU, tard le soir, d’un homme d’affaire

 

« Monsieur, je suis a NOUADHIBOU, et j’ai relevé votre numéro de téléphone sur votre adhésif, j’ai 300 tonnes de crevettes a ramener d’ici à RUNGIS, et mon transporteur habituel m’a fait faux bond… la denrée est périssable, il faut faire vite… que pouvez vous pour moi… »

 

Mon ami Michel BIDOUX m’avait élevé a son école… rien n’est impossible, si l’on te demande quelque chose, réponds « OUI » sans hésiter, tu trouveras toujours le moyen de satisfaire la demande…

 

Ce n’est pas avec mes petits bi-moteurs que je pourrais quelque chose, surtout a cette heure de la nuit, mais je contacte la permanence de la SFAIR, ce sont des baroudeurs habitués aux demandes « spéciales », récemment l’un de leurs avion, un DC 3 affrété avec discrétion pour un transport d’armes a été abattu en LYBIE… toute une référence, ils ont aussi dans leur flotte des gros porteurs C-130 « HERCULES »…ce sont eux qui effectuerons la mission, et je ne serai pas oublié dans ce « service d’entre aide aéronautique ».

 

Pas de difficultés administratives, je peux décoller bonne heure le lendemain matin avec un superbe soleil et une atmosphère d’un calme parfait.

 

THIS IS THE END……

 

La chanson des « DOORS »… la fin du voyage, la fin du voyage initiatique, la remontée de la rivière, mise en scène par Francis Ford COPPOLA…?

 

Ce vol qui commence si bien… va tourner au cauchemar… le beau début, la drôle de fin (Sylvie VARTAN )

 

Les heures passent, l’air est calme, je m’ennuie un peu, petit déjeuné a l’altitude de sécurité, puis je trompe un certain ennui en faisant ce que tout pilote fait dans des cas semblables, pour donner un peu de vie au pilotage, et déjouer cette somnolence « autoroutière », je descends et vole au ras des vagues, a hauteur ou en dessous de la frange littorale, une petite falaise qui varie de 5 a 10 mètres… cela m’évite de m’endormir, je suis encore fatigué de la douzaine ou quinzaine d’heures de vol de hier…

 

Le temps devient de plus en plus brumeux, de ces brumes sèches sournoises… qui réduisent la visibilité oblique, le « jeu » de suite vagues devient fatiguant et je décide de monter au dessus de cette couche de brume, au dessus de l’inversion… je vois très bien le soleil… de plus, je vais approcher de DAKAR, il est possible qu’il y ait du trafic a YOFF, j’essaie de contacter la tour sans succès… il faut que je sois en ciel clair, en parfaites conditions de vol a vue… je monte, mais… la couche est épaisse, le soleil se fait plus rougeoyant, mais la cote devient un mince trait blanc visible seulement verticalement…

 

Me voilà dans un pilotage avec des références visuelles très dégradées, je tiens l’inclinaison avec la seule position du soleil dans un angle de la verrière, tout écart de ce point signale une inclinaison ou un changement de cap… tout cela confirmé par le tracé sinueux qui devient de plus en plus ténu en dessous… j’émerge enfin a 15000 pieds… je ne fume pas, ai une bonne capacité pulmonaire, et n’en suis pas a mon coup d’essai, j’ai suffisamment lu sur les pilotes de guerre qui volaient haut sans oxygène.. ou.. plus simplement mes amis vélivoles dans l « onde ».

 

Pour passer le FIT, en AERO COMMANDER, ou plus simplement les alpes dans les descentes sur Nice, j’ai souvent eu a voler parfois jusque a 18000 pieds surveillant mes ongles, effectuant des calculs ininterrompus et des petits exercices cérébraux pour vérifier le bon fonctionnement de mon cerveau, alors, 15000, en contrôlant mes inspirations, mon rythme cardiaque, la encore a l’exemple de mon père expérimentant les effets des venins des vipères sahariennes ou.. franc comtoises.

 

L’altitude, ce n’est pas LE problème, le problème, c’est que je n’ai aucun contact avec DAKAR YOFF, que j’ai une bonne visibilité pour ne pas interférer avec la route de quelque avion de transport… mais… que je sais qu’il va falloir redescendre… a un moment ou un autre…

 

Certain d’être éloigné de toute trajectoire d’approche, j’amorce une descente la encore avec ces deux références au dessus et en dessous de moi, le soleil s’estompe de plus en plus jusque a disparaître, la référence verticale remplacée par la frange blanche qui se précise heureusement de plus en plus, et me voilà, a nouveau, suivant la cote a quelques mètres, cette fois ce n’est plus par jeu… mais parce que la visibilité tombe de plus en plus, la brume brouillard au niveau de la falaise, plafond en dessous, je dois voler au niveau de cette falaise, falaise n’est pas le mot, érosion de la cote, toujours de 5 a 10 mètres… voler plus haut équivaut a entrer dans la couche et perdre toute références visuelles… la situation devient critique, je tente une ou deux montées au dessus de la falaise, je voudrais voir l’état du sol au dessus… cette fois, il faut prendre une décision… trouver la visi suffisante, et quelques mètres de plus pour atterrir au plus vite, « a la Guillaumet »…sur la terre ferme… mais a chaque tentative, non, j’entre dans le brouillard qui touche le sol… et dois continuer dans cette mince tranche plus claire qui sépare la mer du plafond… le pilotage n’est pas difficile, la navigation encore moins, a gauche… la falaise, a droite… le gris du néant… finalement…ça va comme cela, je ne fonce guère plus vite qu’une puissante voiture sur une autoroute, ce n’est pas extraordinaire… pas difficile, mais… c’est long… et la visibilité bien que permettant une anticipation satisfaisante, n’est pas des meilleures…

 

Plusieurs fois j’envisage l’atterrissage au ras du pied de la falaise, dans l’eau peu profonde, il y a ici et la de petites grèves de quelques dizaines de mètres, mais toutes les probabilités se casser l’avion, sur les rochers, ou, si la distance de sable est suffisante sans obstacles, de le détruire irrémédiablement par le contact avec l’eau salée… je poursuis donc… d’ aprés ma montre et la « michelin ».

 

J’approche de BATHURST, pardon, BANJUL, a coups d’ oeils rapides, car a cette vitesse, et cette altitude je ne peux quitter mes références visuelles extérieures plus de quelques secondes, comme en voiture, sur route.

 

La carte montre l’embouchure du fleuve (?)…dans l’anse d’une sorte de golfe… quand la cote va partir brutalement a droite… il me suffira de garder le cap… l’altitude… pendant les quelques encablures de la traversée du fleuve… et … retrouver la berge de l’autre rive, suivre a nouveau la cote le long de l’anse, au bout duquel se trouve le point matérialisant la ville…

 

Ca y est… la cote part franchement a gauche… s’estompant dans la brume… plus proche du brouillard que de la brume… je maintiens les ailes bien horizontales… le manche bien au neutre, ne pas monter… ni descendre, mais cette fois, je n’ai plus la falaise pour estimer mes quelques mètres d’altitude… l’expression « foncer dans le brouillard « prends toute sa dimension…

 

Je compte mentalement les secondes…10…15…20…a 30 secondes… je trouves déjà le temps long… j’arrive a la minute… la distorsion temporelle atteint son maximum… j’ai l’impression d’une éternité…

 

C’est long, trop long… il est vrai que les fleuves africains sont larges, l’OUBANGUI, le ZAIRE, le Fleuve NIGER, et leurs embouchures encore plus larges.

 

Évidemment… j’ai aussi pris un « top chrono »…a 100 secondes, je cesse de compter… mes coups d’ œil sur le chrono sont de plus en plus rapides…

 

Je n’ose quitter des yeux la surface calme de l’eau… j’ai l’impression que ma montre est bloquée… déjà 3 ou 4 minutes, je n’arrive pas a lire correctement.. vraiment… c’est large… cette embouchure… bien sur, sur ma carte, ça ne représente même pas un millimètre…

 

Ne pas monter… ne pas descendre, bien sur un altimètre n’a aucune utilité pour tenir 5 mètres de hauteur.. ne pas incliner l’avion… pour deux raisons, la première, j’ai bien du mal a garder les ailes horizontales, au dessus de cette surface sans limites latérales, et un début d’inclinaison pourrait amener l’aile a toucher l’eau… et je m’imagine partir en toupie a 180 kilomètres heures..!

 

L’autre raison, même si l’inclinaison est faible, et que j’arrive a maintenir l’altitude, mon cap va varier… je ne saura plus si je m’éloigne de la rive, ou si je tourne dans l’embouchure du fleuve, jusque a faire demi tour, ou a tourner sans cesses…

 

aller droit… aller droit… ne pas monter ne pas descendre… la montre a dépassé les 5 minutes, la tension de la précision nécessaire de mon pilotage est a son maximum…

 

Je ne vais pas pouvoir tenir encore longtemps sans perdre le contrôle… rien, rien pour accrocher le regard et avoir une référence d’horizontalité, ni de palier… l’eau est grise, pas une vague, un miroir gris, qui se fond avec un ciel si bas qu’il en est une chape, un couvercle a peine au dessus de la dérive de mon avion… je ne peux plus estimer la visibilité n’ayant rien a voir que ce gris devant et autour de moi….

 

Cette fois c’est fini, un regard éclair a la montre…10 minutes… j’ai du virer sans m’en rendre compte et file vers le large… je vais mourir sur les traces de MERMOZ, bêtement, sans gloire, victime de cette ténacité stupide… les deux paires d’yeux de CLAUDINE et CLAUDE CHARLES me fixent avec tristesse, ils ne me reverront jamais… plus tard, on dira a mon petit ange blond… ton papa ? Il a disparu en Afrique, on ne sais pas ou, on ne l’ a jamais retrouvé… il n’aura que quelques photos de moi, pas ou si peu de souvenirs de son Papa… sa maman acceptera, comme tant d’autres veuves, elle est pilote elle aussi, elle aussi a connu les peurs, les risques… les dernières chances…

 

Ce qui me fait le plus mal… on ne saura jamais jusque ou j’ai été, presque au but…99,99 pour cent de la mission… ces regards qui émanent de cette photo deviennent insupportable… ils ont un sourire si doux, si innocent… la bas, a des milliers de miles, ils sont loin de se douter du drame qui s’est engagé… inéluctable… encore quelques minutes, peut être quelques secondes…

 

Il me tarderait presque d’en finir, percuter violemment l’eau, être assommé avant la noyade, prisonnier de ma cabine, car avec son train d’atterrissage fixe, l’avion a toutes les probabilités de se retourner, et si je pouvais sortir, ce sera pour attendre la mort pendant des heures, dans cet Océan désert, je n’ai aucune peur, pas d’angoisse, juste faire simplement mon devoir qui pourtant ne mène plus a rien, un peu comme lors de ce feu moteur avec le CESSNA-421, comme aussi dans les tempêtes de neige, l’avion alourdi de givre au dessus des arbres, ou bien d’autres situations ou malgré ma fameuse règle des 3 sécurités inculquées par mon père, combien de fois ces dernières avaient été entamées, consommées, combien de fois c’est la chance, le destin, aidé par ma foi et ma volonté, qui m’en ont sortis.

 

La j’ai la volonté, volonté de prolonger mon devoir de vivre, mais la certitude que « THIS IS THE END », la musique dramatique des DOORS, associées a ce film aux messages multiples.

 

Je ne suis plus crispé, je fais juste de mon mieux, juste voler… tenir, pour que la fin ne vienne pas de ma défaillance, ni morale, ni technique, mais parce que c’est simplement THE END, la fin du voyage initiatique.

 

Les images de ma vie défilent, je suis résigné, comme le pilote de ce ME 262 lors de son dernier piqué, si bien évoqué par Pierre CLOSTERMANN dans « LE GRAND CIRQUE » moi, je ne verrai pas arriver la surface de l’eau, je n’aurai pas ce réflexe inutile de lever mon bras pour me protéger… je pense a tant de choses inutiles maintenant… ma famille, ma vie, mes philosophies, mes lectures, mes rêves, la distorsion temporelle a disparu, je regarde avec calme mon chrono…18 minutes, finalement… j’ai la situation en main, je maîtrise bien la machine, puisque je ne suis partis ni en virage ni en piqué… ça a du se jouer a quelques degrés prés… c’est bête… oui, c’est bête.

 

Situation en main, tout n’est que relativité, une vie avec la situation en main… se terminera un jour… ce n’est rien dans l’immensité des temps, un jour, des siècles, ou quelques minutes… ou quelques heures si j’arrive a tenir avant la nuit, j’ai encore largement d’essence… je coulerai plus prés de l’avion de MERMOZ, c’est ma seule consolation, que personne ne connaîtra jamais…

 

Quelque chose… une masse sombre… une coque… il y a un mat, je vois le haut du mat… je passe au niveau de la coque… un petit bateau de pèche… il a déjà disparu derrière moi… la même image que dans l’un des épisodes du Héros de mes bandes dessinées… BUCK DANNY…!!…rasant l’eau dans le brouillard… c’est passé si vite, un instant l’idée de réduire les gaz et tenter de suite l’amerrissage, mais avec la vitesse, j’aurais été déjà hors de vue des pêcheurs, m’auraient ils retrouvés ?…

 

Je m’en veux, je m’en veux, j’aurais au moins du tenter la chose, ne serait ce que pour que ces marins entendent l’impact et peut être… hypothèse bien improbable, rapportent l’événement a quelque autorité qui puisse ainsi faire le rapprochement avec mon vol, l’idée que ma famille aie au moins une notion du lieu d ma disparition m’est devenue stupidement importante.

 

25 minutes a la montre.. mon bateau est bien loin, la distance a laquelle je l’ai distingué, ainsi que le mat me permettent d’imaginer une visibilité de 500 mètres, peut être moins, et un plafond non mesurable, mais finalement suffisant, au minimum 15 à 20 mètres, sûrement plus bien sur… je pourrais presque remonter sans perdre la vue du miroir.. le pont de cette grosse barque devait être a quoi, 5, 6 mètres ? Le mat… qu’est ce que ça peut faire comme hauteur, un mat de barque de pèche ?…

 

30 minutes… un autre événement me tire de mes réflexions… mon VOR, figé depuis Marathon… n’a bien sur jamais fonctionné, mais il est allumé car couplé avec la VHF, et… je n’en crois pas mes yeux, le « FLAG » rouge vient de bouger, et laisse apparaître alternativement les voyants « TO » et FROM ».. sans que l’aiguille n’indique une radiale,.

 

La barque de pêche… la portée plus que réduite de mes moyens VHF/VOR… c’est une corrélation de signes… je ne dois vraiment pas être loin ni de la cote, ni de l’émetteur de la balise de BANJUL…

 

Qu’importe finalement, puisque je ne sais ou je vais, quel est mon cap, et l’alternance des « TO-FROM » j’ai peut être dépassé le travers de l’aéroport.. ces réflexions ne m’ont prises que quelques secondes…

 

C’est incroyable comme parfois l’esprit peut aller vite… vite, comme cette barre sombre qui se dessine devant moi, depuis 3, 5 secondes.. elle arrive, ou plutôt, je fonce vers elle, elle devient plus nette…

 

La cote, des palmiers, ou des cocotiers… je remonte de quelques mètres et 5 secondes plus tard les arbres glissent déjà sous mes ailes… lorsque tu voles bas pour une quelconque mission de photo arienne, ou de remorquage de banderole publicitaire en Europe, tu devines que les gens regardent ton avion parce que tu vois le blanc de leur visage… la je vois des gens qui courent… noirs bien sur… je vole bas au dessus des maisons basses, et engage une sorte d’avenue qui sort de l’agglomération, l’avenue est bordée de hauts lampadaires…

 

Je connais bien l’Afrique Noire, et sais ce que cela signifie…

 

A BANGUI, c’est l’AVENUE IMPERIALE, ( installée sur la longueur de l’ancienne piste de l’ancien aéroport d’ailleurs) et ces avenues de luxe, dans ces pays, sont celles qui viennent ou conduisent a l’aéroport…celle ci est moins large que celle de BANGUI, mais je me glisserais bien sous les lampadaires pour en faire un aérodrome de fortune, le monde qui y circule me fait abandonner très vite l’idée, d’ailleurs, j’arrive déjà a l’aérogare, oui, il y a plus 300 mètres de visi que 500 , et le sommet de la tour de contrôle disparaît dans un plafond digne de mes pires missions « transport de journaux » entre LE BOURGET et LONDRES » de mes débuts.

 

Aucun contact radio bien sur… j’espère fortement qu’aucun avion de ligne ne brave ce brouillard et je commence un arrondi au dessus de l’herbe juste après le passage de la tour et traversée du parking… ainsi je n’interférerai pas avec la piste… juste avant de toucher les roues, sachant que je pourrai me poser et arrêter mon avion dans la zone que je peux distinguer de libre, je fais une baïonnette pour toucher sur un taxyway, quitte a retourner dans l’herbe ensuite, mais a faible vitesse, si d’aventure… un autre avion l’occupait… puis roule, dans la direction qui doit être celle de la tour et du parking… toujours inquiet de me retrouver face a un autre avion, ( dans les missions de fret urgent de nuit, en Europe, on sait par la tour de contrôle que la voie est libre, mais il nous est arrivé souvent, a mes pairs comme a moi même, de nous perdre sur les taxyways après un atterrissage déjà…0/0.

 

Je me souviens de m’être perdu avec notre mécanicien, Hervé MARAT, d’AIR SERVICE VOSGES vers les 3 heures du matin d’une nuit d’hiver sur un terrain désert d’Espagne, et trouvé dans nos phares… un premier F-18…distinguant a peine le second, puis suivi une lignée de F-18 américains, avant de nous retrouver au beau milieu d’une base OTAN, a 2 kilomètres de l’aérogare civile…)

 

Mon ami Loic HOUART avait aussi parfaitement maîtrisé un 0/0 sur le terrain pourtant modeste de DOLE TAVAUX, sans pouvoir trouver la « sortie »…

 

C’était, comme je le répète souvent… d’autres époques, d’autres modus opérandi, ou l’efficacité primait sur le respect des minimas, et ou cette efficacité n’était pas considérée comme une incivilité ou une inconscience, comme de nos jours mais au contraire comme une conscience professionnelle et un respect du client.

 

Revenons dans le climat sursaturé d’humidité de BANJUL, son parking a mon étonnement désert… pas un avion, pas non plus d’accueil traditionnel par la police, l’armée, ou autre autorité…

 

le désert… j’ai tout mon temps pour m’extraire de mon cockpit… descendre gauchement sur le sol, ou je m’agenouille, et, sans aucune honte de quelque témoin, a l’instar du Pape, m’agenouiller, puis m pencher et embrasser le sol en murmurant » je l’ai fait, je l’ai fait »… mission accomplie… remonter récupérer en priorité ma précieuse photo que je placerai sur mon cœur.

 

..

 

J’ai sorti de l’avion quelques affaires, fait le tour des installations, personne, toutes les portes sont ouvertes, les bureaux vides… je ne sais ni que faire ni ou aller.. le désert…!

 

Bien une demi heure plus tard, une voiture arrive enfin, c’est le contrôleur, l’aéroport étant fermé au vu du temps, avait quitté son poste, ainsi que le reste du personnel…:

 

« Ah…vous étes l’avion tant attendu…, nous avons de gros problèmes avec les criquets, et les insectes divers cette année, l’aide internationale nous a octroyé des avions d’épandage, deux dizaines de grummann AG- CAT et TRUSH COMMANDERS ( de gros avions a moteur en étoile ) arrivent des USA, en direct de chez « AIR TRACTOR », vous êtes le premier… »

 

Je me sens un un peu… inutile, seul, avec mon 300 chevaux, devant cette escadrille attendue… qui arrive elle, direct a travers l’atlantique… bon… l’aide américaine dépassera une fois de plus celle de l’Europe, et c’est tant mieux, cette aventure, outre ma modeste contribution a la salubrité de cette partie d’Afrique, il me restera une belle histoire a raconter a mes petits enfants… comme l’on dit, et, a toi, lecteur.

 

Je te raconterai brièvement le retour, dans cette sorte de vaisseau spatial qu’est le Lokheed L – 1011 de BRITISH CALEDONIAN, et remontant de nuit a 30 000 pieds en quelques heures cette cote mythique théâtre de tant d’exploits des pilotes de l’Aéropostale. Rien a raconter du genre aventure, juste te parler de ces cette cote noire, a peine visible avec la lune claire, de quelques feux de camps… quelques rares lumières du coté de Dakar, Nouakchott, et autres villes, Londres et son agitation, la correspondance pour ORLY, l’avion de notre AIR FRANCE… Paris, le train pour Besançon ou, rencontrant quelques bisontins qui me demandent… alors, tu rentres de Paris ?…

 

A quoi bon répondre autre chose que… «oui »…comment pourrais t ils comprendre… imaginer, la Grèce, la Sicile, l’Algérie, les peurs, les joies, …

 

« Oui, je rentre de Paris….et toi ? ah… des bureaux ? Une réunion administrative ? Ah oui, c’est bien…..oui, il a pas fait très beau a Besançon ? A Paris non plus, eh oui… c’est la saison…

 


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